Telecomix crée la mémoire vive des révolutions

Le 30 décembre 2011

Au Chaos Computer Congress, en ce moment à Berlin, le collectif de hackers Telecomix a annoncé la poursuite des opérations en direction de la Syrie. Un portail vidéo et des connexions sécurisées viendront épauler les révolutionnaires.

Les observateurs de la ligue arabe n’ont rien vu à Homs, épicentre la contestation en Syrie. C’est du moins ce que critiquent la France et des organisations de défense des droits humains. Arrivés lundi pour rendre compte de la situation sur place, ils ne sont restés que quelques heures à Homs pendant la journée de mercredi, la plupart du temps sous les yeux et l’encadrement attentifs de responsables syriens.

Bientôt, les internautes pourraient devenir des observateurs, grâce à un portail de vidéos créé par le collectif de hackers, Telecomix. Le groupe d’hacktivistes a déjà à son actif un coup de main à la révolution tunisienne et le rétablissement des communications et d’Internet en Egypte au plus fort de la répression. A Berlin pour le 28e Chaos Computer Congress 1 , qui rassemble bidouilleurs et autres experts en sécurité informatique, plusieurs hacktivistes du collectif ont annoncé la création du portail. Parmi eux, le jeune blondinet KheOps, qui n’hésite pas à parler à visage découvert sur les télévisions françaises :

Maintenant, on essaie de regrouper les vidéos qui sortent en les classant par lieu et date, de manière à ce que des journalistes fassent du recoupement pour savoir ce qu’il s’est passé dans la même ville sur plusieurs semaines, mois…

L’idée est de recréer une mémoire vidéo de cette révolution syrienne, mémoire déjà développée en anglais et en arabe, via un site de news from the ground mis à jour en temps réel par des agents Telecomix et des Syriens qui participent au projet. KheOps est l’un des fondateurs de l’opération Syria. OpSyria, qui dure à présent depuis plus de six mois, est loin de s’enfoncer dans un rythme de routine : “Même si on a moins fait de choses spectaculaires, maintenant, il faut entretenir et créer de nouvelles choses techniques en permanence.”

Court-circuiter les espions

Des innovations qui permettent aux Syriens, chaque jour, de se connecter de manière plus sécurisée, comme l’explique KheOps :

Par exemple avec le point de sortie VPN. Il s’agit d’avoir un serveur avec une connexion correcte situé dans un pays qui ne soit pas la Syrie ou un pays ami de la Syrie, de sorte que les espions syriens n’y aient pas accès.

Grâce à ce travail quotidien, les utilisateurs syriens peuvent se connecter sur ce serveur, ce qui lui permet ensuite d’utiliser Internet sans que les services de sécurité ne s’en aperçoivent.

Quelques semaines après le début de la révolution Syrienne, les hackers de Telecomix avaient choisi de détourner les réseaux locaux pour permettre aux Syriens de faire sortir des images et des informations du pays, mais aussi d’apprendre quelques règles simples de sécurité et d’anonymat sur Internet. L’énorme prouesse technique permet aujourd’hui à des hacktivistes syriens de contourner la censure.

Infrastructure technologique

Okhin, un des Français de l’opération rappelle que les moyens du collectifs restent limités et qu’en aucun cas, ils ne remplacent les révolutionnaires :

On essaie de trouver de nouvelles façons d’aider les Syriens, de trouver de nouvelles façons de récupérer des nouvelles sur le terrain, on essaie de faire tout ce qu’on fait jusqu’à présent. On a eu juste à fournir une infrastructure technologique.

Kazakhstan, Russie, Cuba, les dictatures et les projets ne manquent pas : “On est volontaires, on fait ça sur notre temps libre, on ne peut pas sauver le monde” précise Okhin. Et de rappeler la conférence de la veille : “J’ai appris qu’en Turquie, ils commencent à s’organiser eux-mêmes, pas forcément à demander l’aide de Telecomix, mis à part un soutien technique. Pour changer les choses, ils doivent développer leurs propres clusters. 2 »

Le collectif Telecomix regroupe des hacktivistes de différentes nationalités qui vivent parfois sur des fuseaux horaires totalement différents. C’est le cas de l’imposant Américain qui se fait appeler Punkbob. Il commence de son côté, avec d’autres, à travailler sur le Kazakhstan :

L’Internet n’y est pas libre, ils ne peuvent pas se connecter aux sites qu’ils veulent. On a aussi un regard sur la Russie…


Illustrations via FlickR [cc-byncsa] Ophelia Noor

  1. Suivre le hashtag #28C3 sur Twitter []
  2. Un cluster est un regroupement de plusieurs serveurs aussi appelé grappe de serveurs []

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés