UFO: retour dans l’espace des 70’s

Le 4 juin 2011

Il y a 41 ans, les anglais voyaient débarquer sur leurs écrans un univers futuriste assez étonnant où l'ordinateur est omniprésent et le monde plus ou moins pacifié doit réagir face à une menace extra-terrestre.

Entre les succès de Thunderbirds (1965) et de Cosmos 1999 (1975), Gerry et Sylvia Anderson ont produit la série UFO (1970), discrètement diffusée en France quinze ans plus tard1 sous le titre Alerte dans l’Espace.

Dans UFO, la terre de 1980 doit se défendre contre une menace extra-terrestre : des vaisseaux spatiaux inamicaux visitent régulièrement la planète bleue et n’hésitent pas à détruire les centres de recherches dont les découvertes pourraient menacer leurs plans, ou à tuer des humains pour leur voler des organes, dans le but probable d’adapter leurs propres organismes aux conditions de vie terrestre. L’existence des extra-terrestres et leur hostilité sont cachés au public, c’est pourquoi le SHADO (Supreme Headquarters, Aliens Defence Organisation), organisation secrète de défense de la terre, a son quartier général dans un studio de cinéma et est dirigé par Edward Straker, un ancien militaire américain qui se fait passer pour un producteur de cinéma. Lorsqu’il appuie sur un bouton, son bureau apparemment normal s’enfonce sous terre où il peut rejoindre son équipe. Jolie mise en abyme : des producteurs de films de science-fiction racontent l’histoire d’une organisation future qui combat des extra-terrestres sous le masque de la production cinématographique. Dans le second épisode de la série, le studio Harlington-Straker emploie même son expertise en effets spéciaux non pour fabriquer de la fiction, mais pour supprimer toute preuve de l’existence d’une menace extra-terrestre sur des films et des photographies réalisés par deux pilotes d’essai.

Le SHADO opère dans l’espace, sur la lune, sur terre, dans les airs et sous les mers. Chaque section a sa propre base d’opérations, son personnel, son fonctionnement, et même son esthétique. Sur la lune, par exemple, les femmes portent toutes des ensembles argentés, des perruques violettes et un maquillage à la truelle qui leur donne l’air d’être des poupées.

Les scénarios de UFO ne sont pas formidables, on peut les comparer à ceux de Thunderbirds : une alerte est déclenchée, il faut détruire les extra-terrestres, les forces du SHADO se mettent en branle, chaque corps d’armée tente quelque chose, ça rate, mais heureusement, in extremis, le dernier arrivé parvient à envoyer le bon missile au bon moment. Boum ! Certaines intrigues sont complètement invraisemblables et tirées par les cheveux. De nombreux thèmes perturbants (lavage de cerveau, contrôle mental, prélèvement d’organes,…) sont évoqués, mais le spectateur ne se sent jamais vraiment inquiet, nous sommes loin des sentiments paranoïaques suscités trois ans plus tôt par Les Envahisseurs ou Le Prisonnier.

Comme dans leurs autres séries, les Anderson ne se gênent pas pour réemployer les mêmes séquences : décollage d’un engin, arrivé en voiture dans le studio, départ des pilotes, etc. Je me rappelle que, enfant, je prenais un certain plaisir à identifier les séquences redondantes dans Cosmos 1999 ou les Thunderbirds. Cette cinématographie économique est tout de même un peu lassante à la longue et donne l’impression d’une série extrêmement répétitive.

Ce qui frappe, par contre, c’est l’ambiance visuelle de la série. Manifestement inspirés par 2001 : L’Odyssée de l’espace, les producteurs mélangent les véhicules-jouets et les uniformes de Thunderbirds à du design sixties-seventies futuriste où les meubles sont faits de plastique moulé oranges et où les costumes (tous dus à Sylvia Anderson) sont très variés. L’aspect général, tout en la préfigurant, est assez éloignée de la forme plutôt pure de Cosmos 1999. Entre autres détails, on remarque de nombreuses œuvres d’art qui rappellent l’art cinétique ou cybernétique — derrière le bureau de Straker on voit par exemple un tableau animé qui rappelle le Mur lumière ou le Lumino de Nicolas Schöffer.

Le monde de 1980, vu par Gerry et Sylvia Anderson, est un monde plus ou moins pacifié2 , où, comme dans Star Trek, les questions de conflits raciaux appartiennent à l’histoire ancienne et où les femmes sont prises au sérieux (comme militaires ou comme scientifiques, par exemple) tout en ayant le droit de s’apprêter avec soin et de montrer leurs jambes — possibilité qui s’avère fortement exploitée par le scénario. On notera entre autres, dans le premier épisode, une séquence pendant laquelle la charmante Gay Ellis s’habille derrière un miroir sans tain, tandis qu’un de ses collègues — qui ne peut la voir, mais nous ne le comprenons pas instantanément — lui parle.
Certains éléments de prospective technologique sont assez pertinents et s’intègrent avec un grand naturel dans l’univers de la série : la visio-conférence, les téléphones sans fil ou encore les téléphones portatifs (téléphone montre, par exemple).

Parmi les choses finalement bien vues dans UFO, il y a l’omniprésence des ordinateurs. Il s’agit pour l’essentiel de mini-ordinateurs équipés de lecteurs de bandes magnétiques et de boutons clignotant dans tous les sens, selon une esthétique installée depuis le milieu des années 19503 . On voit aussi de nombreux postes d’observation-radar semblables à ceux du projet Whirlwind de l’armée de l’air américaine. Des écrans affichent des messages en gros caractères, mais servent aussi à montrer des animations abstraites semblables à celles de John Whitney pour Westworld (1973). On les distingue mal mais cette utilisation décorative de l’affichage informatique, qui nous évoque anachroniquement les économiseurs d’écran inventés bien plus tard et qui s’inspire des osciloscopes, est d’une grande nouveauté pour l’époque.

Dans UFO, on trouve aussi un ordinateur autonome, SID (Space Intruder Detector), un satellite artificiel vide de toute présence humaine qui passe son temps à guetter l’arrivée de nouveaux objets volants extra-terrestres et à signaler leur activité. L’intérieur du satellite est composé de murs colorés. Lorsque l’ordinateur envoie un message, c’est avec une voix humaine dénuée d’affect.

Cet ordinateur, qu’on ne peut pas vraiment qualifier d’intelligence artificielle (ses messages obéissent à un protocole assez strict), est sans aucun doute inspiré par HAL 9000 (voix neutre, panneaux colorés qui rappellent la pièce où se trouvent les mémoires de HAL dans 2001), mais il semble « psycho-robotiquement » plus solide.

Dans UFO, l’ordinateur n’est pas utilisé que pour des raisons de tactique militaire, il sert aussi à analyser la personnalité humaine afin de vérifier l’état psychologique de chacun des quatre cent employés du SHADO. Dans l’épisode Computer Affair, par exemple, les tests réalisés par le psychologue sont analysés par un ordinateur qui conclut que le lieutenant Gay Ellis et le pilote Mark Bradley peinent à travailler efficacement ensemble car ils sont, sans se l’être avoué, mutuellement amoureux.

On notera qu’Ellis est « blanche » et que Bradley est « noir », ce qui rend leur Idylle plutôt inhabituelle pour la télévision de l’époque.

Même si quatre cent personnes sont censées travailler pour le SHADO, la distribution tourne avec un nombre de personnages redondants assez réduit : Le commandant Straker (Ed Bishop), chef autoritaire qui ne jure que par la logique et n’a pas peur de faire des sacrifices ; le robuste colonel Alec Freeman, ami et conseiller du précédent, qui est en quelque sorte la part d’humanité de Straker et est capable d’envolées lyriques telles que « je me moque de ce qu’en dit l’ordinateur » ; le colonel Paul Foster (Michael Billington), homme d’action recruté au second épisode ; le lieutenant Ellis (Gabrielle Drake), qui dirige la base lunaire ; le capitaine Peter Carlin (Peter Gordeno), qui commande le sous-marin Skydiver et pilote son avion — pour la petite histoire, l’acteur est à présent musicien et accompagne les tournées du groupe Depeche Mode. Parmi les autres acteurs de la série, on note Vladek Sheybal, qui apparaît dans une dizaine d’épisodes dans le rôle du psychiatre Jackson et dont la physionomie slave a connu un certain succès dans le cinéma d’espionnage puisqu’il a joué dans Bons baisers de Russie, Casino Royale, Billion Dollar Brain ou encore dans des séries telles que Le Saint ou Destination: danger.

À ce jour je n’ai pas eu le courage de regarder l’intégralité des vingt-six épisodes de la série, qui n’a ni l’ambiance cérébrale et désespérée ni les excellents acteurs de Cosmos 1999, série qui concrétise avec une certaine rigueur certaines pistes engagées dans UFO. Même la musique, composée par Barry Gray, semble être une ébauche de celle de Cosmos 1999.

UFO synthétise un certain air du temps mais conserve la naïveté des productions pour enfants que Gerry et Sylvia Anderson ont réalisé pendant la décennie précédente. On comprend que la série n’ait eu qu’une saison, mais il n’en est pas moins distrayant d’en visionner un épisode de temps en temps.


Article publié initialement sur Le dernier blog

  1. L’adaptation francophone d’UFO a été faite au Québec. De manière assez troublante on y retrouve de nombreuses voix communes à la série Cosmos 1999. L’intégralité des épisodes de la série est disponible en France en DVD, édité par TF1. []
  2. D’un point de vue géopolitique, il semble que la guerre froide ait toujours cours, sans que ça soit un motif d’angoisse, et que la Grande-Bretagne soit plus ou moins devenue une province américaine puisqu’on y utilise le dollar comme monnaie et qu’on y roule à droite. []
  3. Avec par exemple la comédie Desk Set (1957). []

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