L’évolution du pénis des mammifères

Le 15 avril 2011

Savez-vous que chez le porc, le pénis est en forme de “tire-bouchon”? Vran nous fait une petite revue de galerie des différentes formes de sexe possibles selon les espèces. Secouons les branches de l'arbre de l'évolution!

Chers lecteurs, c’est avec joie que je vous retrouve pour la quatrième et dernière partie de cette série “galerie de membres” consacrée au(x) pénis(ii). Si vous sentez le besoin de vous rafraîchir la mémoire (et après tout ce temps, c’est bien normal), je vous invite à (re)lire les épisodes précédents consacrés respectivement aux arthropodes, sauropsidés et oiseaux chez lesquels nous avions ensemble découvert l’existence d’appendices souvent amusants, parfois terrifiants, mais toujours étonnants. Aussi, pour terminer sur ce sujet, je vous propose une incursion dans un groupe que nous connaissons bien, puisque nous en faisons partie : Les Mammifères.

Profil reproductif, sélection sexuelle et polymorphisme

Comme nous l’avons déjà vu dans les billets précédents, le pénis varie beaucoup en taille, forme et complexité selon les espèces, et les mammifères ne font bien entendu pas exception à la règle. Aussi de nombreuses études se sont attachées à comprendre l’origine de cette étonnante diversité et à identifier des facteurs corrélés avec les caractères génitaux (morphologie de l’animal, environnement etc…). Parmi ceux-ci, les mœurs reproductives occupent une place prépondérante, en particulier dans les cas où les partenaires sexuels sont multiples et pour lesquels on distingues trois profils. Tout d’abord, le profil dispersé correspond à des accouplements occasionnels entre une femelle et quelques mâles isolés vivant dans une zone géographie étendue et se rencontrant par hasard (par exemple chez les araignées).

Le second profil est dit de promiscuité et implique plusieurs mâles et femelles, dans un groupe restreint à la fois socialement et géographiquement (c’est le cas notamment chez certaines espèces d’oiseaux vivants en groupe sur un territoire bien défini). Enfin, le dernier profil est dit de polygynie (littéralement “plusieurs femmes”) et correspond à une organisation sociale de type “mâle dominant” où un seul mâle aura la possibilité de se reproduire avec toutes les femelles du groupe, les autres concurrents étant d’emblée exclus de la compétition, à l’exception des quelques individus rebelles qui copulent dans le dos du patriarche (l’exemple typique est le gorille où les mâles dominants se constituent un harem de femelles qu’il défendront avec véhémence contre les mâles extérieurs). Vous l’aurez deviné, une multitude de stratégies reproductives engendre la sélection de caractères différents et donc une grande diversité morphologique. Sans plus attendre voici donc une petite galerie de portraits sous la ceinture et quelques explications correspondantes (pour agrandir, cliquez sur l’image):

Galerie de membres mammifères. Image : Simmons and Jones, 2007.

Crocs et denticules: A l’instar de la bruche et de son aedeagus épineux, certains penii de mammifères sont bardés de petites pointes kératinisées qui peuvent être utiles à la stimulation de la femelle (chez le chat par exemple, c’est le coït qui déclenche l’ovulation) ou à un ancrage optimal du membre à l’intérieur des voies génitales femelles, le tout n’étant bien sûr pas sans douleur. Plus violents encore, certains penii comme celui du porc-épic sont munis de crochets destinés non seulement à stabiliser la pénétration, mais aussi à blesser les voies génitales femelles lors du retrait pour “décourager” ces dernières d’avoir de nouveaux partenaires et s’assurer ainsi une descendance plus nombreuse (romantisme quand tu nous tiens…).

Organe spiralé: Autre forme, autre technique. Chez le porc, le pénis en “tire-bouchon” (ben oui, après tout, pourquoi se limiter à un côté du bassin quand on peut faire symétrique) présente une certaine élasticité qui lui permet une pénétration profonde et une éjaculation directement dans l’utérus, au plus près des ovules, là encore pour maximiser les chances de paternité.

Extension de l’urètre: Chez le bélier, on observe une sorte de long flagelle qui s’étend au delà du gland. Cette structure originale est en réalité l’urètre, canal destiné à l’évacuation de l’urine. Quel intérêt pour la reproduction? Eh bien lors de l’éjaculation, ce petit appendice membraneux agit comme une spatule et étale la semence du mâle sur le col de l’utérus au gré des mouvements de la bête. Une nouvelle fois, l’avantage réside dans une fertilisation plus efficace.

Verrou gonflable: Autre curiosité chez un animal pourtant très familier, le chien. Les deux protubérances que vous pouvez observer à la base du pénis sur le dessin ne sont pas les testicules mais une structure érectile appelée le bulbus glandis. Il s’agit d’un élargissement du corps caverneux qui augmente de volume à l’intérieur des voies génitales femelles pendant le coït et y coince tout simplement le pénis. Si vous eu l’occasion d’assister à un accouplement canin, vous vous êtes peut être demandé quelle était cette étrange (et probablement douloureuse) chorégraphie qui poussait le mâle à se retourner, dos à la femelle, alors que son membre était encore en place à l’intérieur du vagin (pour plus de détails sur ladite chorégraphie, cliquez ici). Bien que périlleuse et très longue (le couple reste “connecté” entre 5 et 60 minutes), cette manœuvre facilite et prolonge le contact entre le sperme et le col de l’utérus, avec à la clé un grand rendement de fécondation.

Piston: Enfin, le moins drôle de tous, le pénis en piston, partagé par les primates et quelques autres est de forme tout à fait banale, sans protubérances ni forme particulière. Cependant, cette configuration apporte tout de même un avantage, car elle permet de “pomper” la semence des concurrents vers l’extérieur en cas de copulation multiple, un peu à la manière de l’aedeagus écouvillon de la libellule (que ceux qui ont la nausée rien qu’à imaginer qu’on a été sélectionnés pour ça lèvent la main).

La palme de l’originalité: Les Monotrèmes

Une fois n’est pas coutume, c’est dans le groupe des monotrèmes (les “ovipares allaitants” qui se trouvent en position basale dans l’arbre phylogénétique des mammifères) que l’on trouve les caractères les plus étonnants. Mais pour varier un petit peu, cette fois nous ne parlerons pas de l’ornithorynque, mais de son proche cousin, l’échidné à bec court Tachyglossus aculeatus (cliquez sur son nom pour afficher le portrait de la bête).

La particularité de la reproduction des monotrèmes est qu’elle combine des caractéristiques mammifères et reptiliennes. Par exemple, et pour rester centrés sur notre sujet premier, le pénis de l’échidné est destiné exclusivement à l’éjaculation puisque l’animal urine par son cloaque (comme chez les serpents et lézards). Internalisé la majorité du temps, l’organe ne voit le jour que lors de l’érection et peut alors révéler sa forme surprenante. En effet, chez les monotrèmes, ainsi que la plupart des marsupiaux, le pénis est bifide (fourchu).

Mais chez l’échidné, chacune de ses deux partie se divise à nouveau en deux, formant un gland quadruple à l’apparence d’une anémone. A chacune de ses extrémités, l’urètre se termine par une surface percée d’une multitude d’ouvertures (à la manière d’une pomme de douche) destinées à dispenser le sperme. Quatre orifices, c’est beaucoup, d’autant que l’échidné n’en utilise que deux à la fois. Car oui, c’est une autre curiosité (rappelant l’utilisation alternée des hemipenii chez les reptiles), lors de l’érection, deux des 4 extrémités de “l’anémone” se rétractent tandis que les deux restantes entrent en érection. Ainsi, le pénis adopte une forme de fourche à deux extrémités (seulement), parfaitement adaptée à la morphologie du sinus urogenital femelle et délivre efficacement son sperme.

Penii d’échidné à gland quadruple en posture “anémone” (gauche) et fourche bifide (droite). Images : X – Johnston et al.

Conclusion

Ainsi s’achève cette longue série qui je l’espère vous aura appris beaucoup sur l’organe le plus viril du monde animal. Vous pourrez maintenant paraître sérieux et cultivé tout en parlant sexe avec vos amis (attention cependant, l’expérience montre que certaines âmes sensibles sont définitivement réfractaires aux images présentées dans ce petit lot d’articles). Je vous quitte donc (temporairement) en vous souhaitant pour l’occasion du sexe, de la science et du funk bien sûr.

Références:

  • Male Genital Morphology and Function: An evolutionary perspective. M.N.Simmon and J.S. Jones. The Journal of Urology, 2007
  • One sided Ejaculation of Echidna Sperm Bundles. S.D. Johnston et al, 2007.

>> Article publié initialement sur Strange Stuff And Funky Things dans la série Galerie de Membres

>> Photo FlickR CC AttributionNoncommercialNo Derivative Works par kajojak


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