Spotify : le freemium devient rentable ?

Le 6 décembre 2010

Avec une forte croissance des abonnements premium sur Spotify, le service de streaming serait-il en train démontrer la pertinence économique du modèle freemium ?

Une perte nette de £16,6 millions (19,6 M€) à rapporter à un chiffre d’affaires de £11,3 millions (13,3 M€) : ce sont les résultats de Spotify Ltd, l’entité commerciale principale de la compagnie, et opérateur du service de streaming de musique à l’échelle européenne.

Révélé par le site Music Ally la semaine dernière, ces chiffres laissent le doute subsister quand à la rentabilité du modèle économique freemium. Mais les prévisions encourageante de l’exercice 2010 pourraient changer la donne.

Le service de musique en ligne Spotify, qui a encore enregistré de lourdes pertes en 2009, pourrait bien atteindre l’équilibre en 2010. A condition que la forte progression des abonnements et de la publicité enregistrée sur les neufs premiers mois de l’année se soit poursuivie jusqu’à fin décembre.


Les comptes officiels de la filiale britannique de Spotify, Spotify Ltd, font état d’une perte nette de £16,6 millions en 2009 (19,6 M€), pour un chiffre d’affaires de £11,3 millions (13,3 M€). Ces résultats rendent compte des performances de la start-up de musique en ligne sur l’ensemble des territoires européens où elle est présente (Royaume-Uni, Suède, France, Espagne, Finlande, Norvège, Pays-Bas).

Selon son bilan, dont nous nous sommes procuré une copie intégrale (PDF), Spotify Ltd est en effet l’opérateur direct du service de streaming dans tous ces pays et la principale entité commerciale de la maison mère Spotify Technology SA, basée au Luxembourg.
Dans le détail, les revenus engrangés par Spotify Ltd en 2009 proviennent à 60 % des abonnements, à hauteur de £6,8 millions (8 M€), et à 40 % de la publicité, à hauteur de £4,5 millions (5,3 M€). Au 31 décembre 2009, Spotify revendiquait 7 millions d’utilisateurs, dont 250 000 abonnés, soit un taux de conversion en utilisateurs payants de 3,57 %.

Les coûts de vente de la société, qui couvrent notamment les sommes versées aux ayants droit, se sont élevés à £18,8 millions sur la période (22,1 M€), auxquels se sont ajoutés des coûts de distribution et les dépenses administratives, pour un montant global de £8,8 millions (10,3 M€).

Forte progression de l’abonnement

Fin octobre, Spotify indiquait à Music Ally avoir versé 40 M€ aux ayants droit depuis son lancement, dont 30 M€ sur les huit premiers mois de l’année 2010. Une indication que le chiffre d’affaires de la compagnie, qui revendiquait 601 000 abonnés à fin septembre 2010, dans un document confidentiel adressé à certains ayant droit auquel ElectronLibre a eu accès, aura nettement progressé cette année.

Selon l’évolution du nombre d’abonnés à Spotify, révélée dans ce document, le chiffre d’affaires lié à l’abonnement était déjà de l’ordre de 35 M€ en septembre 2010. Il pourrait atteindre environ 55 M€ fin 2010 si l’objectif déclaré de 770 000 abonnés est atteint, ce qui est en bonne voie. Soit une progression de 587 % sur un an.


Le chiffre d’affaires publicitaire de Spotify aura-t-il progressé dans les mêmes proportions dans l’intervalle ? Les documents dont nous disposons nous permettent de calculer qu’au huitième mois de l’année, les abonnements avaient rapporté 28,5 M€ à Spotify, qui a reversé environ 70 % de ce chiffre d’affaires aux labels, soit près de 20 M€.

C’est-à-dire les deux tiers des droits que la compagnie a déclaré avoir payé en 2010 à cette date. 10 M€ de droits proviendraient donc de la publicité, sur le chiffre d’affaires de laquelle Spotify reverse 50 % aux ayants droit ; soit un CA publicitaire pouvant être estimé à 20 M€ sur les huit premiers mois de 2010, et qui pourrait donc s’établir autour de 30 M€ sur l’ensemble de l’année. Il afficherait ainsi une progression de l’ordre de 660 %. Le chiffre d’affaires global de Spotify Ltd devrait ainsi s’établir autour de 85 M€ en 2010.

Équilibre en perspective

Dans ces conditions, la start-up suédoise pourrait très vite devenir profitable en Europe, avec une proportion croissante de ses revenus en provenance de l’abonnement, qui s’avère beaucoup plus rémunérateur pour les ayants droit, et un taux de conversion en abonnés payants qui devrait se situer autour de 6,5 %. Une ambition que son PDG, Daniel Ek, a déjà affichée publiquement.
En se basant sur notre estimation des revenus publicitaires et d’abonnement de la compagnie en 2010, elle devrait reverser un total de 53,5 M€ aux ayants droit cette année ; le solde (31,5 M€) permettant largement de couvrir ses autres coûts d’exploitation (la part des coûts de vente qui ne relève pas des royalties à payer, les coûts de distribution et les dépenses administratives), pour peu qu’ils ne s’envolent pas.

Leur marge de progression supportable, pour parvenir à l’équilibre dès 2010, est selon nos calculs de l’ordre de 45 %. De là à considérer que Spotify est sur le point de démontrer la rentabilité de son modèle freemium, il n’y a qu’un pas, qui pourra certainement être franchi dès que Spotify Ltd aura publié son bilan 2010.

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Cet article a été initialement publié sur Electron Libre

CC flickr : pedroarilla, Johan Larsson, louisvolant

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