OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La victoire culturelle de l’antitabagisme http://owni.fr/2011/04/28/la-victoire-culturelle-de-l-antitabagisme-tabac-fumer-cigarettes/ http://owni.fr/2011/04/28/la-victoire-culturelle-de-l-antitabagisme-tabac-fumer-cigarettes/#comments Thu, 28 Apr 2011 08:30:48 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=59549 Décrite comme une décision gouvernementale, l’apposition de messages visuels sur les paquets de cigarettes, obligatoire en France depuis le 20 avril, est présentée par la presse comme une mesure plus spectaculaire que vraiment efficace. Il s’agit pourtant de la plus vaste expérience de psychologie sociale jamais réalisée à propos des effets de l’image, et la manifestation exemplaire de l’une des plus importantes évolutions d’une pratique culturelle dans les pays développés.

Dernier épisode dans la lutte d’un demi-siècle qui oppose l’une des plus puissantes industries au lobbying d’une minorité agissante, le retournement des images est la signature de la victoire du bien sur le mal, de la santé sur la maladie et de la morale sur le vice. Elle ne doit que peu de choses à l’échelle de la décision gouvernementale, et témoigne au contraire de l’extension toujours plus grande de la nouvelle gouvernance des experts, qui impose ses décisions à l’échelle mondiale par un système opaque de recommandations étayées par l’expertise scientifique.

L’invisibilité de cette procédure et l’incapacité du système médiatique à mettre en récit des dynamiques d’une telle ampleur sont parfaitement illustrées par le traitement anecdotique sur le mode du fait-divers qui a accueilli la mise en conformité française.

La convention-cadre pour la lutte antitabac (Framework Convention on Tobacco Control) est un traité international proposé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), adopté le 21 mai 2003, et signé par presque tous les Etats du monde.

(1) Paquets de cigarettes illustrés d'avertissements visuels (Suisse).

Il prévoit le déploiement d’un vaste ensemble de mesures, dont la hausse des prix du tabac, l’interdiction de la publicité, l’interdiction de fumer dans les lieux publics, le développement de programmes d’aide à la cessation de fumer, la protection des non-fumeurs, la restriction de la vente aux mineurs et l’imposition à l’industrie de la publications d’avertissements illustrés sur les paquets de cigarettes.

Cette mesure visuelle s’insère donc dans un dispositif beaucoup plus large et ne peut être observée séparément de son contexte. Contrairement aux apparences, son introduction tardive dans le cadre de la lutte antitabac constitue une anomalie remarquable.

Santé publique et dramatisation visuelle

Les campagnes de santé publique sont la forme la plus ancienne d’utilisation par les Etats des moyens de la propagande moderne, qui associe les outils administratifs et législatifs à une large mobilisation culturelle, par l’intermédiaire de campagnes médiatiques et éducatives concertées.

La présence d’”images-choc” dans ces campagnes n’a rien d’une nouveauté. En France, dès la fin du XIXe siècle, la lutte contre l’alcoolisme, la syphilis ou la tuberculose forme le laboratoire d’un activisme dont les principaux ressorts sont la dramatisation et l’appel aux valeurs morales.
Une «propagande obsédante» élabore un discours destiné à terrifier l’opinion publique, où chaque fléau est décrit comme une menace de mort pour l’humanité toute entière (Corbin, 1977).

(2) "Alcoolisme", planche du Larousse médical illustré, E. Galtier-Boissière, 1902. (3) Tableau d'anti-alcoolisme du Dr Galtier-Boissière, tableaux muraux Armand Colin, 1900.

Cette pédagogie de l’horreur s’appuie largement sur l’image. Le Tableau d’anti-alcoolisme du Dr Emile Galtier-Boissière a été rendu célèbre par Marcel Pagnol (voir ci-dessus). Dans La Gloire de mon père, il témoigne de l’effet de ces tableaux effrayants qui tapissaient les murs des classes.

On y voyait des foies rougeâtres, et si parfaitement méconnaissables (à cause de leurs boursouflures vertes et de leurs étranglements violets qui leur donnaient la forme d’un topinambour), que l’artiste avait dû peindre à côté d’eux le foie appétissant du bon citoyen, dont la masse harmonieuse et le rouge nourrissant permettaient de mesurer la gravité de la catastrophe voisine.
Les normaliens, poursuivis, jusque dans les dortoirs, par cet horrible viscère (sans parler d’un pancréas en forme de vis d’Archimède, et d’une aorte égayée de hernies), étaient peu à peu frappés de terreur.

(4) "La syphilis c'est vraiment la grande meurtrière des enfants", L. Viborel, La technique moderne de la propagande d’hygiène sociale, 1930.

Dès les années 1920, le cinéma est mis au service de la santé publique. Lucien Viborel, activiste de l’éducation sanitaire, loue le «pouvoir de suggestion» de l’image (De Luca Barrusse, 2009).
Selon Valérie Vignaux, la cinémathèque du ministère de l’Hygiène sociale dispose en 1930 d’un catalogue de 500 films éducatifs, destinés à être projetés et commentés dans les écoles, les entreprises ou les salles communales (Vignaux, 2009).

La science contre l’image

Le mouvement antitabac se structure aux Etats-Unis à partir des années 1950. C’est le caractère tardif de la mise en évidence des dangers de la cigarette qui explique ses principales caractéristiques, à commencer par le refus d’une posture abolitionniste, dont la prohibition des boissons alcoolisées (1919-1933) a montré les limites.

En outre, la lutte antitabac ne recourt qu’exceptionnellement à l’arme visuelle. Après une période fortement marquée par la propagande étatique, l’information scientifique se veut plus sérieuse, préfère avancer des preuves plutôt que de jouer du registre de la stigmatisation dramatisée.

Quand elle prend une forme visuelle, l’illustration des méfaits du tabac s’appuie encore sur l’image du laboratoire. En 1953, Life contribue a populariser l’expérience d’Ernst Wynder qui, en provoquant une proportion inquiétante de tumeurs malignes chez des souris badigeonnées de résidus nicotiniques, installe l’idée de la haute toxicité de la cigarette.

(5) "Smoke gets in the news", Life, 21 décembre 1953, p. 20-21.

Plus encore, dans le cas du tabac, tout se passe comme si le terrain de l’image était déjà occupé. Par la publicité, qui valorise la cigarette, produit si simple et si uniforme, par la sollicitation constante de l’imaginaire et l’association de sa consommation avec diverses qualités individuelles, styles de vies ou comportements sociaux (voir ci-dessous).

Publicités Lucky Strike: (6) années 1930; (7) années 1940; (8) années 1950.

Cette versatilité fantasmatique trouve tout particulièrement sa place au cinéma, avec le soutien actif des industries du tabac. Attribut de la virilité comme de la sensualité, de la rébellion comme du glamour, la cigarette est devenue à l’écran la compagne de toutes les emphases, de tous les abandons (voir ci-dessous).

Aucune pratique sociale n’a connu une telle exposition, au point que l’omniprésence de cet accessoire entraîne souvent des désagréments lorsqu’il faut mobiliser un document visuel de la première moitié du 20esiècle.

(9) Robert Coburn, portrait de Rita Hayworth, Gilda, 1946. (10) Publicité Chesterfield, Ronald Reagan, 1952. (11) James Dean, photo de tournage, Giant, 1955.

Plutôt qu’entreprendre une vaine guerre des images, le mouvement antitabac a préféré soutenir la recherche, puis s’appuyer sur ses résultats pour développer l’arme juridique. Si des publicités institutionnelles ont accompagné les messages de santé publique, la dimension visuelle n’a joué qu’un rôle annexe à côté des ressources du savoir et de la loi, qui ont été les principaux outils du renversement des pratiques.

Des images pour salir l’image

Dans les directives expliquant l’application de l’article 11 (conditionnement et étiquetage des produits du tabac) de la convention-cadre de l’OMS, on retrouve l’invocation des motifs canoniques de l’usage des images, comme «l’impact émotionnel» ou le ciblage de «personnes peu instruites, d’enfants et de jeunes». La principale innovation de cette mesure n’est pas commentée. Faire apposer l’image directement sur le produit, aux frais du producteur, est pourtant une proposition d’une portée décisive, qui transforme l’espace du combat en confiant à l’adversaire l’arme destinée à le tuer.

Plutôt que le maintien d’un théâtre de l’affrontement, cet envahissement sémiotique est déjà la marque de la victoire, qui justifie le recours tardif à l’image. Autant il ne servait à rien d’occuper ce terrain lorsque la consommation tabagique était la norme, autant son investissement témoigne de l’inversion acquise de la perception des comportements. Les antitabac ont gagné. Fumer était in et glamour. C’est désormais le triste symptôme d’une addiction non maîtrisée, un geste compulsif voué à disparaître, ou l’indice d’un manque de confiance en soi.

Les images dites “choc” n’ont pas pour fonction de stigmatiser une pratique. Ce qu’elles manifestent de la manière la plus évidente est la perte de la bataille de l’image par les cigarettiers. Nul besoin d’en faire trop. Contrairement à une lecture superficielle, cette iconographie ne comporte qu’un petit nombre d’images brutalement déplaisantes (voir ci-dessous).

Elle comprend en revanche, en proportion plus importante, des photographies informatives ainsi que plusieurs illustrations allégoriques (dont certaines empruntées à une banque d’images des plus classiques): un couple qui se tourne le dos pour évoquer l’impuissance, une poussette vide pour rappeler la réduction de la fertilité, une seringue pour suggérer la dépendance, deux mains qui se rejoignent pour signifier l’aide à la cessation de fumer (voir ci-dessous)…

L’encadrement noir uniformise cette imagerie disparate dans une même ambiance funèbre. En réalité, plus que par les photos, la connotation trash est produite par l’emprunt des codes graphiques de la presse à scandale: titraille blanche et rouge sur fond noir, encadrés contrastés – une impression de violence essentiellement symbolique.

A la question de l’efficacité de cette option, plusieurs enquêtes effectuées dans des pays ayant appliqué la réglementation répondent de façon mesurée. Réalisé en 2008, le rapport australien, très complet, présente notamment l’intérêt de comparer l’introduction des messages visuels avec celle des avertissements textuels, en 2000. L’étude confirme essentiellement les idées les plus banales sur l’effectivité des images, à savoir que les images-choc sont celles qui sont les plus mémorisables, ou que l’effet le plus important concerne la population qui a l’intention d’arrêter de fumer. Au total, les visuels semblent avoir un impact non négligeable, mais loin d’être décisif isolément.

A la différence des cigarettiers, qui avaient tout misé sur la dimension fantasmatique, l’élément iconographique n’est qu’un facteur parmi d’autres dans la stratégie du mouvement antitabac. Il n’en a pas moins une mission de première importance: symboliser la défaite culturelle d’une pratique autrefois valorisée par l’image. Si les fumeurs peuvent dissimuler par divers expédients cette marque d’infamie, ils ne peuvent empêcher l’effondrement imaginaire dont elle est la preuve.


Publié intialement sur Culture Visuelle, L’atelier des icônes, sous le titre “Le renversement des images, victoire culturelle de l’antitabagisme”
Crédits photo et illustrations : Via Flickr André Gunthert © tous droits réservés ; Rita Hayworth [cc-by-nc-nd] dans la gallerie de RM9


Bibliographie
Jeff Collin, Kelley Lee, Karen Bissell, “The Framework Convention on Tobacco Control. The Politics of Global Health Governance”, Third World Quarterly, 2002/23, n° 2, p. 265-282.
Alain Corbin, “Le péril vénérien au début du siècle. Prophylaxie sanitaire et prophylaxie morale”, Recherches, n° 29, décembre 1977, p. 245-283.
Virginie De Luca Barrusse, “Pro-Natalism and Hygienism in France, 1900 – 1940. The Example of the Fight against Venereal Disease”, Population, 2009, n° 3/vol. 64.
Lion Murard et Patrick Zylberman, L’Hygiène dans la République. La santé publique ou l’utopie contrariée, 1870-1918, Paris, Fayard, 1996.
Robert L. Rabin, Stephen D. Sugarman (dir.), Regulating Tobacco, Oxford, Oxford University Press, 2001.
L. L. Shields, Julia Carol, Edith D. Balbach, Sarah McGee, “Hollywood on Tobacco. How the Entertainment Industry Understands Tobacco Portrayal”, Tobacco Control, 1999/8, n° 4, p. 378-386.
Will Straw, “True Crime magazines. Stratégies formelles de la photographie d’actualité criminelle”, Etudes photographiques, n° 26, novembre 2010, p. 86-106.
Valérie Vignaux, “L’éducation sanitaire par le cinéma dans l’entre-deux-guerres en France”, Sociétés & Représentations, 2009/2 (n° 28), p. 69-85.

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Data et députés: le modèle allemand http://owni.fr/2010/03/22/data-et-deputes-le-modele-allemand/ http://owni.fr/2010/03/22/data-et-deputes-le-modele-allemand/#comments Mon, 22 Mar 2010 15:30:06 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=10633 4209149129_0bcf7ce659

En 2004, un étudiant et un développeur se sont dit que ce serait bien si les candidats à l’assemblée régionale de Hambourg pouvaient répondre publiquement aux questions des électeurs sur leur programme.

Avec une conférence de presse et des bouts de ficelle, ils ont mis sur pied un site où les citoyens viennent interroger personnellement les candidats. 6 ans plus tard, le site est devenu abgeordnetenwatch.dedéputéwatch en français.

abgeordnetenwatchDésormais actif en permanence au niveau national (les internautes peuvent poser des questions tout au long de la législature) et dans 3 Länder, le site couvre toutes les élections régionales (les internautes posent leur questions aux candidats durant les mois qui mènent au vote). En tout, il a collecté plus de 150 000 questions. Plus impressionnant : les internautes ont obtenus plus de 100 000 réponses.

J’ai été interviewer Gregor Hackmack, fondateur du site, dans son bureau de Hambourg, qui m’a expliqué les clés du succès.

1. Faire venir les politiques

La classe politique n’est pas réputée pour son amour d’internet. Pourtant, l’équipe d’Abgeordnetenwatch a réussi le tour de force de les faire venir sur la plateforme – et d’y rester.

Pour cela, il leur a d’abord fallu s’assurer une audience. C’était chose faite avec un partenariat avec Spiegel Online, le principal site d’information allemand. D’autres ont suivi depuis, notamment avec le Süddeutsche Zeitung et avec le portail T-online, filiale de l’opérateur téléphonique T-mobile.

Légitimés par ces alliances avec les médias traditionnels, Abgeordnetenwatch a pu aller prospecter les politiciens. Au départ, quelques figures de la scène politique locale les ont soutenus. La plateforme permet surtout aux centaines de politiques snobés par la télé et les médias traditionnels de venir rencontrer leurs électeurs.

Au départ, l’équipe d’Abgeordnetenwatch devait appeler chaque candidat pour les convaincre d’utiliser la plateforme. Aujourd’hui, les politiques enjoignent carrément les électeurs à poser leurs questions sur le site, afin de pouvoir montrer au grand jour l’intérêt qu’ils suscitent. « Le public s’attend à ce que les députés répondent », explique Gregor.

Le meilleur indicateur du succès d’Abgeordnetenwatch.de reste la peur que le site provoque chez les politiciens les plus influents.

En 2007, un article du tabloïd Bild (12 millions de lecteurs par jour) reprend le classement des députés par jours de présence réalisé par le site et proclame Carl Eduard von Bismark “député le plus flemmard d’Allemagne”. 6 mois plus tard, il a été contraint de démissionner et de donner son indemnité de parlementaire à des organisations caritatives.

Une telle influence ne va pas sans problème pour Abgeordnetenwatch, qui se fait désormais blacklister lorsqu’il demande des subventions auprès d’organisme en lien avec des politiques. Gregor soupçonne par exemple la fondation Zeit, qui comporte plusieurs hommes et femmes politiques dans son board, d’avoir refusé de financer Abgeordnetenwatch. « Trop politique » auraient-ils dit.

2. Faire venir les électeurs

Si ce succès auprès des politiciens peut convaincre les électeurs d’utiliser la plateforme (ils y auront plus de chance d’obtenir une réponse qu’en envoyant un e-mail), Abgeordnetenwatch possède une autre valeur ajoutée.

  • Médiation entre politique et citoyen. Abgeordnetenwatch relit toutes les questions avant de les publier et fait un travail de mise en page, voire de curation.
  • Statistiques sur les députés. Le site agrège les données disponibles lors des votes publics aux parlements national et régionaux et propose l’historique de vote de chaque député ainsi qu’un classement par présence, à la votewatch.eu.
  • Rémunération des députés. Grâce à des données publiées par le Parlement, Abgeordnetenwatch peut estimer le montant des à-côtés des parlementaires.

Plus généralement, le site permet aux électeurs de connaitre leurs candidats. Le système électoral allemand est un « scrutin majoritaire uninominal et proportionnelle par compensation ». En gros, on vote une fois pour une liste nationale et une fois pour un candidat local. Problème : Personne ne connait le candidat local, la vie politique allemande étant moins organisée par fiefs qu’en France. Abgeordnetenwatch permet ainsi aux électeurs de se rapprocher de ceux qui les représentent.

Si les Français avaient la possibilité de l’interroger directement, peut-être qu’ils seraient plus de 29% à connaître le nom de leur président de région.

En 2004, les fondateurs du site voulaient rapprocher les Allemands de la démocratie. En 2010, ils estiment avoir réussi leur pari puisque plus de la moitié des utilisateurs du site n’a jamais eu de contact avec la politique.

Même en ex-RDA, où les internautes sont notoirement incompétents, le site connait un certain succès. En 2009, « super année électorale », l’Allemagne a vu 2 élections régionales à l’Ouest, 4 à l’Est, une élection européenne et une élection fédérale. A chaque fois, Abgeordnetenwatch a permis aux électeurs de poser des questions aux candidats. Résultat : les internautes de l’Est ne sont pas moins intéressés que ceux de l’Ouest, notamment en Thuringe (Leipzig).

3. Tenir la route

Toutes les bonnes intentions de l’équipe de Hambourg (3 temps pleins, quelques temps-partiels et des stagiaires) ne seraient rien si le modèle économique et technique n’était pas pérenne.

Techniquement, Abgeordnetenwatch respecte, comme Owni.fr, le ratio de 1 développeur pour chaque non-développeur. Résultat : le site est fluide et réactif.

Financièrement, le site est tout juste devenu cash-flow positive, ses revenus couvrant toutes les dépenses courantes. Le prêt initial, fourni par la fondation Bonventure (Munich) est cependant loin d’être repayé.

La diversité des sources de revenus montre le sens de l’adaptabilité d’Abgeordnetenwatch :

  • Publicité: 10%. «Ca ne paye pas,» commente Gregor. Malgré des inserts voyants gérés par Glam Media, le site ne fait pas de course à l’audience et ne pourra pas s’appuyer sur les recettes publicitaires.
  • Freemium pour les députés: 10%-50% (en fonction du nombre d’élection dans l’année). Le site propose aux députés d’afficher leur photo sur leur page. Ce service est facturé entre 175€ et 200€. 15% des candidats et des députés soutiennent le site de cette manière.
  • Dons. Si le côté politique du site les empêche d’obtenir autant de subventions publiques qu’ils le souhaiteraient, l’équipe d’Abgeordnetenwatch fait appel à la générosité des utilisateurs.
  • Vente de widgets. Le Spiegel vient d’acheter un Bundestagsradar, une application Flash qui permet de visualiser et de classer les députés. La chaîne régionale WDR en a commandé un autre pour le parlement régional de Rhénanie-Du-Nord-Westphalie.

bundestagsradar

Et le datajournalisme ?

Pour Gregor, Abgeordnetenwatch ne fait pas du journalisme. Sa valeur ajoutée n’est pas dans le traitement de l’information puisqu’il ne hiérarchise pas les réponses aux questions et qu’il ne génère pas d’informations nouvelles.

Pourtant, le site propose bien une nouvelle manière d’aborder la politique. Les médias ne s’y trompent d’ailleurs pas, puisqu’ils renvoient leurs lecteurs vers le site.

Au pays des digitale Analphabeten, espérons que le succès de ces innovateurs donnera à d’autres l’envie de prendre des risques sur le marché l’information en ligne.

> Photo d’illustration par BriYYZ sur Flickr

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De Muckrack à Tweest http://owni.fr/2010/01/13/tweest-by-le-post/ http://owni.fr/2010/01/13/tweest-by-le-post/#comments Wed, 13 Jan 2010 18:38:15 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=6948 Titre original :
Tweest by Le Post = Livewire + Muckrack, des rivières de flux Twitter sélectionnés

Le Post et la Netscouade présenteront ce soir à la Cantine un outil pour suivre les personnalités politiques françaises sur Twitter en un lieu unique et effectuer des tris par parti : Tweest.

Autour de blogueurs (engagés en politique ou non) et journalistes, Nathalie Kosciusko-Morizet, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Sandrine Bélier, Alain Lambert, et Dominique Paillé, qui gazouillent à différents degrés, pourront découvrir la bête. Analyse écologique, que je complèterai avec les éléments qui seront donnés ce soir.

Côté pedigree, Tweest est à la croisée de deux outils qui existaient déjà ailleurs :

  • Muckrack, qui fut avant l’apparition des listes sur Twitter un des premiers sites organisant des flux de certaines personnes précises par catégorie dans une unique interface. Le tout premier concernait les journalistes, que l’on peut par exemple trier de différentes manières : par rédaction, ou par rubriques (monde, politique, économie…), ou ne faire ressortir que les gazouillis contenant une image, ou contenant un lien… Sawhorse Media, qui édite Muckrack, a transposé le concept à d’autres catégories comme les célébrités, les nouvelles technologies, la beauté, l’humour, le sport, la science… Avec l’apparition des listes est naturellement né Listorious. L’écosystème est au complet avec les Shorty Awards, où l’Académie du temps réel vient récompenser les meilleurs fournisseurs de contenus en 140 caractères dans différentes catégories.
  • Livewire, développé par Tweetminster et The Independent pour suivre l’actualité des parlementaires, membres du Gouvernement, personnalités et commentateurs politiques britanniques utilisant Twitter.

Dans le cas de Tweest, la dynamique est un peu différente des deux systèmes. D’abord l’outil est développé pour la rédaction d’un média, qui s’est montrée active sur Twitter et qui compte ainsi compléter son offre d’information à partir de / à propos de Twitter. On a ainsi naturellement l’intégration des courtes vidéos Twitt’heure dans la colonne de droite.

Côté fonctions vitales, comme pour ses lointains cousins d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique, on peut en quelques clics depuis l’interface en ligne suivre un compte, ajouter un gazouillis en favori ou le retweeter si l’on s’est connecté à Twitter. On peut aussi choisir de suivre toute une rédaction ou tout un mouvement politique. Un très bon point : les visiteurs sont appelés à contribuer à enrichir la base en proposant des comptes, qui seront sans doute vérifiés avant d’être intégrés. La dynamique des chiffres est également utilisée : personnalités les plus suivies, messages les plus populaires (ajoutés en favoris), liens les plus partagés. Pour l’instant le volume n’est pas encore très significatif pour ces deux dernières catégories mais cela devrait progresser avec l’arrivée de nouveaux utilisateurs. Enfin, un système de filtres à cocher permet de limiter l’affichage pour ne conserver que ceux d’un ou plusieurs mouvements politiques, d’une ou plusieurs rédactions.

A qui et à quoi cela va-t-il servir ? Pour les politiques, certainement pas à débattre car la volière n’est pas un bon lieu pour ce type d’exercices comme l’Express en a fait l’expérience, et de toute façon les personnalités politiques s’interpellent et se parlent peu sur Twitter. De manière générale, elles suivent d’ailleurs rarement des personnalités politiques de partis adverses.

En revanche, il est certain que pour l’internaute qui n’est pas très familier de Twitter, ou qui n’a pas pris le temps de constituer une liste “politique”, ou qui cherche à compléter ses listes, c’est un moyen pratique de trouver le flux de messages en un endroit unique. Et les 85 comptes politiques identifiés sont annoncés comme vérifiés, même s’ils ne sont pas des comptes certifiés par Twitter, ce qui permet de savoir qui suivre sans risque de se faire abuser par un faux compte (fake), qu’il soit drôle et facilement identifiable comme parodique, ou qu’il fasse l’objet d’une campagne avec des gazouillis crédibles dans un premier temps le temps d’obtenir des followers, puis de changer radicalement de discours comme par exemple le compte de Patrick Balkany.

La campagne des élections régionales 2010 va peut-être prendre un autre ton si davantage d’utilisateurs de Twitter, ou des personnes qui s’y mettent exprès pour cela, viennent interpeller directement les candidats. Répondront-ils aux questions (Nathalie Kosciusko-Morizet fait actuellement la sourde oreille aux questions la pressant de prendre position sur la LOPPSI, malgré une pétition en ligne) ? Seront-ils victimes de tweet clashes, vont-ils s’interpeller davantage publiquement (cas Anne Hidalgo / Valérie Pécresse) ? Vont-ils relayer, au-delà des classiques communiqués et agendas de leurs campagnes, d’autres actions ? Vont-ils retenir certaines propositions venue par la machine à gazouillis ? A suivre.

Pour les autres utilisateurs de Twitter, avancés ou débutants, journalistes ou non, Tweest me semble être un bon portail qui permet de centraliser les actualités de la volière, de découvrir des comptes, de se familiariser avec le flux. Twitter est un lieu où l’on peut resté immergé dans le flux, ou bien où l’on vient picorer de temps en temps, selon son envie et son besoin.

Ce qu’il manquerait pour faire mieux ? Peut-être des informations sur le moyen de publication, qui figurent dans l’interface web de Twitter : from Tweetdeck, from web, from Echofon… Car c’est aussi une information. Une personne qui utilise Echofon est sans doute en mobilité et ne répond pas nécessairement si elle éteint son application après avoir publié un message, par exemple. Et surtout, si la personne publie depuis Echofon mais utilise publiquement un Blackberry, il y a un lézard et cela signifie qu’à moins de disposer de deux mobiles, elle ne publie pas ses messages en personne (Echofon est uniquement disponible sur iPhone). Le système de recensement des liens les plus partagés est intéressant, il faudrait peut-être aussi le doubler d’une galerie de d’images diffusées sur Twitter, par exemple avec Twitpic ou YFrog. Il serait bien utile de pouvoir effectuer des filtres sur les journalistes non pas en fonction de la rédaction dans laquelle ils travaillent, mais des rubriques : économie, société, politique…

Ce qui manque vraiment ? On peut regretter l’absence de nombreux journalistes radio et télé, des journalistes de la presse spécialisée et en particulier dans l’informatique (01 Informatique : Pierre Tran, Anicet Mbida, Numérama : Guillaume Champeau pour n’en prendre que trois très actifs) à l’heure où l’on parle d’Hadopi et de la LOPPSI, de la presse entreprise, et surtout… régionale ! Surtout s’il s’agit de suivre les élections régionales elles aussi. Je n’en ai pas recensé beaucoup dans la PQR où les profils sont moins “personnels” et où l’on a plutôt des profils de titre, mais on trouvera des pistes chez PQR Mon Amour et bien sûr chez Sébastien Bailly de Paris Normandie. Grâce aux suggestions des visiteurs, ces oublis seront sans doute vite comblés.

Quelles seront les prochaines catégories ? S’il s’agit de faire un véritable observatoire des débats politiques de la volière comme l’annoncent Le Post et La Netscouade, une catégorie analystes / commentateurs / militants pourrait avoir du sens. Bien entendu, il est possible de suivre les traces de Sawhorse Media et d’embrayer sur d’autres catégories : technologie, ressources humaines, mode…

Je live-twitterai la présentation de ce soir, bien entendu, avec le hashtag #Tweest, et viendrait éventuellement corriger ou compléter ce billet par la suite. C’est aussi ça, la dynamique web : le processus permanent et la capacité à mettre à jour au fil de l’eau.

Pour aller plus loin, quelques billets qui semblent dater mais qui sont utiles pour comprendre la démarche et observer le chemin parcouru dans l’appropriation de Twitter et de ses usages par les politiques, et quelques liens utiles :

  • le site Politwitt qui propose déjà un flux de gazouillis de personnalités politiques françaises
  • les classements de personnalités politiques sur Twitter par Spintank, surtout pour la partie analyse et décryptage de ce qui s’est passé ;
  • les bons conseils de palpitt aux politiques pour gazouiller sans fausses notes ;
  • un recensement de journalistes sur Twitter réalisé par Marie-Catherine Beuth, en deux parties ;
  • un annuaire de journalistes créé par Nicolas Gosset ;
  • une liste de journalistes (ou de personnes qui réfléchissent au journalisme) que j’ai constitué progressivement, et qui est sans doute plus complète que ma liste politique.

» Article initialement sur enikao.wordpress.com

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