OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le Soudan censure sa révolte http://owni.fr/2012/07/23/le-soudan-censure-sa-revolte/ http://owni.fr/2012/07/23/le-soudan-censure-sa-revolte/#comments Mon, 23 Jul 2012 15:27:31 +0000 Florian Cornu http://owni.fr/?p=116238

Manifestation détudiants à l'université des sciences et technologies (Soudan), via Iamsudanes (youtube)

Alors que la journaliste égyptienne Shaimaa Adel, emprisonnée depuis trois semaines pour avoir couvert les révoltes soudanaises vient d’être libérée, le mouvement de contestation engagé à Khartoum continue. Dans un contexte d’arrestations massives, les émeutes sont quotidiennes et l’accès au web tend à devenir un enjeu primordial pour l’avenir du mouvement.

Le 16 Juin dernier, des étudiantes de l’université de la capitale ont commencé à protester contre l’annonce de mesures d’austérité entraînant une énième élévation du prix de la nourriture et du transport. Immédiatement réprimées, les manifestations se sont répandues comme une trainée de poudre dans d’autres universités du pays avant de rallier différentes strates de la population.

Si les protestations étaient initialement motivées par l’annonce d’un plan d’austérité, elles ont rapidement mué en un mouvement de revendication démocratique et populaire exigeant la fin du régime du président Omar el Béchir.

Depuis le début des révoltes, la maîtrise de l’information joue un rôle clé pour le pouvoir. Avec la multiplication des zones de contestation, ce dernier met tout en œuvre pour couper la communication entre les émeutiers et garder le contrôle des médias. Arrestations de journalistes et de blogueurs, censure de la presse papier avant publication et restriction du web sont autant de moyens utilisés par les autorités pour briser l’élan des manifestants.

Le web, matrice des révoltes

Malgré l’absence d’infrastructures Internet massives au Soudan (seule 10% de la population y aurait accès et 50%  posséderait un téléphone portable) le web joue un rôle crucial pour contourner la censure et organiser les manifestations.

D’abord, grâce à quelques sites d’activistes comme Girifna ou Sudanchangenow qui diffusent régulièrement des informations sur les émeutes et rassemblements quotidiens.  Sudanchangenow a même mis en place une carte interactive permettant de voir au jour le jour les foyers de révoltes, les arrestations, les violences ou encore la couverture médiatique des différents soulèvements. Si le nombre de rapports diffusés ces derniers jours connait un net ralentissement, il est compliqué de savoir s’il s’agit d’un problème de sécurité des sources ou une simple baisse des témoignages recueillis.

Plusieurs blogs, dont Sudanrevolts tentent également de lutter contre la désinformation gouvernementale en utilisant le crowdsourcing pour rassembler, entre autre, les témoignages des personnes arrêtées. Comme l’expliquent ses administrateurs :

Sudanrevolts traite du combat de la population pour le changement au Soudan. Nous essayons pour ce faire d’agir comme une plaque tournante pour diffuser l’information et les histoires de notre révolution [...] c’est un site pour la population fait par la population, merci de nous envoyer vos liens, idées, photos et témoignages- tout ce qui selon vous peut-être pertinent et mérite d’être partagé.

Ce sont aussi les réseaux sociaux qui se font l’agora majeure du mouvement. La plupart des informations, photos et vidéos transitent par le hashtag  #Sudanrevolts sur Twitter et Facebook qui rend compte des arrestations mais agrège également des messages de soutien provenant d’un peu partout dans le monde.

D’après le site uncut, l’accès à l’information est particulièrement compliqué pour les activistes qui n’utilisent pas ces médias car le bureau national des télécommunications bloque de nombreux sites anti-gouvernementaux et de presse en ligne.  C’est le cas des sites  Hurriyat et Al-Rakoba qui se révèlent inaccessibles depuis le Soudan, exceptés en utilisant des proxys.

Un ralentissement global du débit de connexion à Internet complique également les campagnes de communication et les appels à manifester. Par ailleurs, les forces du National Security Service (la police soudanaise) confisquent presque toujours le matériel pouvant servir à communiquer lors des arrestations (téléphones portables, ordinateurs, appareils photo ou caméras) dans le but de juguler la diffusion des preuves de la répression.

A cette censure directe s’ajoute la présence des autorités soudanaises sur le web, dont l’usage exige de plus en plus de précautions. C’est ce qu’expliquait le journaliste Alan Boswell, spécialiste du Soudan peu après une série d’émeutes en janvier 2011:

Au lieu de se contenter de couper l’accès à Internet ou d’empêcher les communications par sms comme le font les autres régimes, les services de sécurité soudanais s’emparent de ces outils. Ils ont même engagé une sorte de “cyber-jihad” contre les activistes anti-régime. Les agents du gouvernement ont infiltré les sites qui lui sont hostiles, s’adonnant à la désinformation et essayant de recouper les sources pour identifier les leaders. Ils postaient également des liens pornographiques sur Facebook et dénonçaient ensuite les sites d’activistes auprès de la direction de Facebook pour violation des règles d’utilisation.

Joint il y a peu par le Centre européen du journalisme, l’activiste Rawa Sadiq (le nom a été modifié) affirmait que les forces de police soudanaises avaient montré leurs tweets à de nombreuses personnes arrêtées, preuve que les autorités surveillent Twitter. Des membres du groupe Girifna ont également été la cible d’arrestations à leur domicile tout comme le journaliste citoyen Usamah Mohamad (@simsimt) ou la blogueuse et militante des droits de l’homme Mimz, (@MimzicalMim), relâchée depuis.

L’Hacktivisme contre la censure

L’un des enjeux de la riposte réside dans le contournement technique de la censure.  Et à ce niveau, les pratiques semblent évoluer rapidement grâce à la mobilisation de certains blogueurs et de collectifs de hackers.

Un observateur américain expliquait il y a peu au réseau liberationtech que le nombre d’utilisateurs du logiciel de proxy controversé ultrasurf qui est censé permettre de contourner la censure et de s’anonymiser a explosé en l’espace de quelques jours dans le pays. Reste à savoir si la version du logiciel est saine, contrairement à celle largement diffusée en Syrie.

Bon nombre de blogueurs tentent par ailleurs de faire connaître les moyens de se protéger sur le web et les précautions à prendre sur les réseaux sociaux. C’est le cas de Yousif Al-Mahdi, dans un billet de blog relatif à la protection des données publié le 4 juillet.

D’après un article du site d’activistes Girifna, un groupe se réclamant des Anonymous s’est attaqué à des sites du gouvernement soudanais en réponse à la propagande du régime. La vidéo ci-dessous était postée quelques jours après le début des émeutes.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Enfin, c’est dans le but d’offrir aux activistes les moyens techniques de contourner la censure et le traçage que le réseau de hackers Telecomix a diffusé une note expliquant comment se connecter au web malgré les coupures et la censure.

Comme nous l’a expliqué, Cantor, le web semble accessible mais beaucoup de témoignages signalent que les connexions fonctionnent au ralenti, un peu comme si les fournisseurs d’accès (FAI) soudanais étranglaient Internet. D’après lui, les précautions à prendre sont multiples :

On a dans un premier temps fait parvenir des numéros de modems à appeler pour que les gens aient accès à une connexion. Et pour ce qui est de l’anonymat, on a recommandé d’utiliser Tor à travers des proxys. Ça assure un bon encryptage, un surf anonyme et pour l’instant, ça a l’air de bien fonctionner. On recommande également de ne pas utiliser de téléphone portable ou satellitaire car la police soudanaise intercepte les communications en utilisant des outils modernes d’interception légale par les FAI.


Pour plus d’informations, visitez le site globalvoices qui publie régulièrement des billets sur l’évolution des révoltes.

Capture d’écran, manifestation d’étudiants soudanais à l’université des sciences et technologie via Iamsudanes

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Drones d’intérêt général http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/ http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/#comments Sun, 03 Jun 2012 16:40:45 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=112381

Le drone

Ce samedi , au Salon des solidarités à Paris, un drôle d’engin vrombissait entre un stand de Médecin du Monde et une échoppe de bijoux équitables  : un drone miniature, présenté dans le cadre d’une rencontre “hackers et ONG“. La bestiole vient tout droit de Bretagne, où une poignée de membres du collectif d’hacktivistes Telecomix s’est attelé à son développement. Car ce drone n’est pas destiné à butiner dans le clair ciel français mais à aider les Syriens en lutte contre la dictature de Bachar el Assad.

KheOps, pseudo qui cache un jeune homme juvénile aux longs cheveux blonds, a lancé l’initiative, choqué par la mort des journalistes Marie Colvin et Rémi Ochlik cet hiver :

Il vaut mieux perdre un drone qu’un journaliste.

L’opération en Syrie vue de l’intérieur

L’opération en Syrie vue de l’intérieur

KheOps est l'un des hackers de l'opération menée en Syrie pour contourner la censure. Il revient sur la genèse du projet, ...

Au royaume de la do-ocratie chère aux hackers, peu importe les intentions, seuls comptent les actions concrètes. Depuis plusieurs semaines, KheOps, aidé d’autres “agents” Telecomix, comme ils se nomment, s’est donc attelé à construire un engin customisé.

Avec ce projet, Telecomix rajoute une pierre à l’édifice solidaire de 1 et de 0 qu’ils ont construits durant les révolutions arabes, selon son motto. Le collectif informel, pour reprendre l’expression de Tomate, un de ses agents allemands, “est une idée. L’idée de la communication libre. N’importe quel type de communication.” Tunisie, Égypte, et donc Syrie, le groupe a aidé et aide encore les peuples à utiliser Internet en toute sécurité, un véritable travail d’“éducation”. Alors que la Syrie semble avoir mis cette semaine un nouveau tour de vis et que le conflit s’enlise, les agents ne sont pas près de quitter ce terrain.

Documenter le projet

Le drone doit faciliter la récolte et la diffusion des informations, en se jouant des snipers en embuscade.  Ses spécifications obéissent donc à un impératif, comme l’explique KheOps :

La personne doit prendre le moins de risques possibles, elle doit pouvoir piloter à vue, grâce à une caméra.

Drones d’hacktivistes

Drones d’hacktivistes

Les drones sont partout. À l'origine utilisés par les militaires, ces engins sont détournés de leur usage, en particulier ...

La caméra est aussi équipée d’un émetteur pour que les images soient diffusées en direct, dans un rayon théorique de quelques kilomètres. Histoire de ne pas réinventer la poudre, le petit groupe de travail s’est aussi  inspiré des nombreux projets qui ont été développés ces derniers mois, dans ce même état d’esprit de surveiller les surveillants, comme occucopter, bidouillé par les manifestants du mouvement Occupy Wall Street. “Nous avons scotché des bouts épars avec du chatterton, poursuit Okhin, étique agent à très haut débit, le “cerveau”du drone, le contrôleur, existe par exemple déjà, et il s’agit ensuite de le patcher, en fonction de notre expérience.”

Pour être honnête, la démonstration de ce samedi a été un peu contrariée : “Il ne marche pas encore, il a marchoté hier, s’excuse KheOps. On n’y connait rien, on apprend sur le tas.” L’objectif est de le finir fin juin, le plus important étant de fournir une documentation claire pour que le drone puisse facilement être reproduit. Avec un effet pervers dont ils sont bien conscients : le drone pourra tout aussi bien être utilisé à des fins de répression.

Restera un problème à résoudre, amener le matériel, car les drones grand public et les caméras ne courent pas les rues en Syrie. Et c’est là que les liens que Telecomix a tissé avec quelques ONG peuvent être utiles, comme le rappelle Ksa :

On va se débrouiller pour les faire rentrer par les réseaux des ONG, via la Turquie, le Liban ou la Jordanie. On n’a pas forcément besoin des ONG mais avec, c’est mieux.

Les hackers forment les journalistes

Les hackers forment les journalistes

La semaine dernière, hackers et journalistes avaient rendez-vous. L'objectif : apprendre à sécuriser ses connexions à ...

Étonnant pour qui méconnait le milieu des hackers, le rapprochement avec les ONG en zone de crise est logique : sens de la bidouille-débrouille, le fameux DIY (Do It Yourself), liberté de communication comme principe sacré, nécessité de protéger son identité dans certaines circonstances, conscience aiguë de la fragilité des infrastructures techniques et donc de la résilience, sont autant de points d’accroche et surtout de collaboration. Les hackers ont déjà une longue tradition d’engagement actif, avec par exemple le collectif Hacktivismo, créé en 1999, une émanation du mythique Cult of the Dead cow, qui aurait le premier employé le terme d’hacktivisme en 1996. “Certains portent d’ailleurs la double casquette hackers-ONG”, note l’un des agents.

“On a déjà collaboré avec RSF (Reporters sans frontières, ndlr), rappelle KheOps, on les connait, on s’entend bien.” Avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la rencontre s’est faite “dès la fuite de Ben Ali, quand Telecomix a commencé à soutenir des organisations. Après évaluation des besoins, nous avons mis en place un coffre-fort numérique pour conserver les archives”, se souvient Nicolas Diaz. Avec ses longs cheveux qui rivalisent avec ceux de KheOps ou d’Okhin, Nicolas Diaz ne dépareille pas. Responsable du système d’information et webmaster de l’ONG, il est déjà en terrain familier. Nous avons développé des outils de communication chiffrés avec des membres de Ubuntu et de Telecomix”, précise-t-il. Pointus, hyper-réactifs, peu avares de leur temps, nos hacktivistes ont parfois besoin d’un peu de “pondération, face aux impératifs techniques”, analyse-t-il.

Cette union forte a déjà abouti au projet Syrian stories, lancé en mars. Cette plate-forme rassemble des vidéos sélectionnées et mises en contexte, en puisant dans les documents de Telecomix Broadcast System (TBS), une base de données mise en ligne au même moment.  Le tout forme une timeline-mémorial beaucoup plus éditorialisée que la matière assez brute (dans tous les sens du terme), de TBS. Et plus tard, inch’ allah, ces images pourront servir de preuve à charge dans des procès.

La Pirate Box

Telecomix : « hacker pour la liberté »

Telecomix : « hacker pour la liberté »

Telecomix n'a pas de leader, ni de hiérarchie. Ce n'est pas une organisation, mais une "désorganisation" bien réelle qui ...

Ils envisagent aussi de détourner le concept de la Pirate Box, qui en soi-même est un hack. À l’origine, la Pirate Box est un outil open source gros comme une boite à lunch qui émet un réseau wifi pour vous permettre de partager des fichiers avec n’importe qui, sans nécessité de dévoiler son identité. Une invitation à retrouver les joies du partage de la culture et de la culture du partage. En guise de partage de musique, l’outil version terrain de guerre pourrait servir à communiquer dans un périmètre critique, un immeuble bombardé par exemple. Leur Pirate Poney Box, comme ils ont baptisé avec humour leur version, est ainsi équipée d’un module de chat anonymisé. Peu coûteuses, “25 dollars chez les Chinois”, plaisante Okhin, alimentées par un panneau solaire, plusieurs Pirate Boxes pourraient former un mini-réseau maillé, qui passerait les informations de relai en relai.

Lulz et honneur

En un an, Telecomix a acquis une belle notoriété que ses agents étaient loin d’imaginer. “Hype”, entouré d’une aura de magicien de la technique, les hacktivistes sont sollicités de toutes parts. “Nous ne pouvons pas aider tout le monde, tranche Okhin, les ONG ne doivent pas dépendre des hackers mais être autonomes. Nous mettons en ligne de la documentation, utilisez-la ! Et puis ce serait mauvais pour notre égo qu’on devienne des James Bond.”

On leur fait confiance pour éviter cet écueil, tant le lol fait partie de leur ADN.  Ces jeunes gens en baggies et baskets ont conscience de la gravité des événements mais leur approche reste ludique, parce que le goût pour le défi technique est inhérent aux hackers. Ils n’oublient jamais non plus ce pas de côté salutaire, la pirouette distanciatrice. Un peu comme si le général de Gaulle avait glissé un LOLcat entre deux missives. Une philosophie résumée d’une phrase, jetée dans un éclat de rire par un Okhin monté sur ressorts caféinés :

On ne fait rien d’extraordinaire à part ne pas dormir. Si ça nous faisait chier (sic) de sauver le monde, on ne le ferait pas.


Texte Sabine Blanc et photos Ophelia Noor

À lire aussi L’open source au service de l’humanitaire, le compte-rendu d’une autre conférence organisée dans le cadre de la rencontre hackers et ONG

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Pékin en guerre contre ses hacktivistes http://owni.fr/2012/05/14/pekin-en-guerre-contre-ses-hacktivistes/ http://owni.fr/2012/05/14/pekin-en-guerre-contre-ses-hacktivistes/#comments Mon, 14 May 2012 15:40:39 +0000 Florian Cornu http://owni.fr/?p=109721

L'Art de la guerre de Sun Tzu vu par La Demeure du Chaos (CC-by) Abode of Chaos

L’Empire du milieu, qui n’est pas le dernier dans le palmarès des records en tout genre, peut se targuer d’avoir bâtit par le biais du Great Fire Wall (pare feu par lequel transitent toutes les recherches des internautes chinois), un instrument de censure du web qui malgré ses failles, fait des prisonniers politiques, et des morts…Ces derniers mois, les mesures du parti à l’encontre du web se sont multipliées témoignant d’une propension incontestable du régime à juguler les dissidences, surtout celles qui s’organisent.

Massives

Hackers décapités

Hackers décapités

Le FBI a procédé à une vague d'arrestations de hackers proches des Anonymous. Des arrestations rendues possibles grâce au ...

En Chine, aucun mouvement de hackers organisé n’avait jusqu’à présent répondu à cette censure étatique par des actions visibles et massives. Dans un contexte politique mouvementé depuis la chute du cadre Bo Xilai et la forte médiatisation de l’affaire Chen Guancheng, les autorités chinoises se seraient bien passé d’un énième aveu de faiblesse à dompter les dissidences sur internet.

La première action du tout nouveau groupe Anonymous China remonte à début mars, après l’arrestation de membres présumés du collectif de hackers connus sous le noms de Lulzsec (avec lequel des Anonymous chinois collaboraient). Mais c’est véritablement le 5 avril, un mois après après cette riposte qu’Anonymous China a fait parler de lui. Il a piraté plus de 300 sites liés au gouvernement ainsi que de nombreux sites commerciaux et d’affaire.

Dans leur message adressé au peuple chinois sur ces pages, les hackers l’encourage à se soulever pour faire tomber le régime et à utiliser des VPN (réseaux privés virtuels) pour contourner la censure opérée en amont par le Great Fire Wall. Au lendemain de l’attaque, la plupart des sites avaient retrouvé un fonctionnement normal et la vidéo ci dessous, en Français, était postée sur la plateforme « Rézocitoyen ».

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Dans un communiqué envoyé à l’Agence france presse le jour d’après, des membres se réclamant d’Anonymous China, avaient promis de continuer les actions et de les intensifier. Depuis cette attaque de masse, diverses opérations isolées et peu médiatisées ont ainsi eu lieu. Le 27 Avril Anonymous analytics publiait ainsi un rapport de 44 pages impliquant l’entreprise multinationale productrice de tabac “Huabao” pour des activités de dumping et de détournement d’argent ayant participé à faire de son fondateur Chu Lam Yiu, un milliardaire.

Plus récemment, le 8 Mai, c’est le site de l’université de Hangzhou qui était visée et les comptes utilisateurs des administrateurs révélés. D’après une annonce de l’agence Reuters, la plupart des membres opérant dans le collectif Anonymous China ne vivent pas sur le territoire. Si l’on peut exprimer des doute quant à cette annonce, les gérants du compte twitter, eux, sont probablement à l’étranger.

La page d’accueil que l'on retrouvait sur tous les sites piratés, en anglais ou en chinois

Par ailleurs, le congrès du parti communiste Chinois qui a lieu tous les cinq ans et qui renouvelle ses membres en octobre. Le pouvoir central et les hauts cadres du parti sont donc particulièrement enclins à tout faire pour qu’aucun trouble pouvant remettre en cause leur gestion du pays ne survienne.
Depuis le dernier plénum du parti qui s’est tenu fin 2011, le renforcement des mesures de lutte contre la dissidence sur le web n’a ainsi cessé de s’accroitre au moindre prétexte. La dernière opération de répression en date, appelée « bise de printemps » témoigne d’ailleurs de la prise de conscience du pouvoir central quant au rôle clé des réseaux sociaux dans l’organisation du mécontentement. Le gouvernement n’a semble t-il aucunement envie d’être une victime collatérale des révolutions arabes.

Verrouillage

Officiellement consacré aux réformes culturelles, le plénum de la fin 2011 a été un moyen pour le pouvoir central, conscient du nombre croissant d’internautes contournant la censure, d’envisager une série de mesures contre les “rumeurs nuisibles à l’ordre social” dixit les autorités sur le web. On comprend mieux dès lors, l’organisation début novembre, d’une rencontre entre le gouvernement et une quarantaine de sociétés constituant le cœur du réseau internet Chinois. Cette réunion a très logiquement abouti à un engagement de ces entreprises qui gèrent le réseau à appliquer toutes les directives gouvernementales en matière de lutte contre les “rumeurs et les fausses informations”.

Par l’utilisation de ces termes et la collaboration active des fournisseurs d’accès, moteurs de recherche et plateformes de micro blogs (équivalents de twitter), le gouvernement cherche à augmenter ses chances de taire toute information liée à des émeutes, manifestations, troubles politiques ou diplomatiques tout en traquant les lanceurs d’alertes. Le ministère des technologies a acté cette collaboration fin février en annonçant l’obligation pour les créateurs de sites webs de révéler obligatoirement leur identité aux autorités et aux représentants de fournisseurs d’accès. Depuis, la mesure s’est étendu aux micro bloggueurs même si elle est moins contraignante. Il faut dire que les manifestations rassemblant des milliers de personnes sont monnaie courante en Chine mais sont aussitôt tuées dans l’œuf médiatiquement par la police du web.

L'art de la guerre de Sun Tzu vu par la Demeure du Chaos (CC-bysa) Abode of Chaos

L'Art de la guerre de Sun Tzu vu par La Demeure du Chaos (CC-by) Abode of Chaos

C’est aux alentours de la mi-mars, deux semaines avant l’attaque massive du groupe Anonymous China, que les prises de décisions et les incarcérations ont commencé à s’accélérer. Suite au limogeage de Bo Xilai, un des plus hauts cadre du parti, des centaines de milliers de messages se sont répandus sur les plateformes de blog. Une partie d’entre eux prédisaient un coup d’Etat à Pékin. Le pouvoir central a aussitôt procédé à des arrestations et à une censure qui a aboutit entre le 29 Mars et le 2 Avril à une interdiction des commentaires sur les deux principales plateformes de blog que sont Tencent et Sina. L’ arrestation des présumés dissidents a été facilitée par une des lois les plus régressive en matière de droits humains qu’ai entériné la Chine ces dernières années: le 16 mars, l’assemblée nationale populaire votait une nouvelle législation sur la détention.

Petit manuel du parfait cyberdissident chinois

Petit manuel du parfait cyberdissident chinois

Face au Great Firewall qui filtre le web chinois, les cyberdissidents se saisissent des outils à disposition : VPN, proxy et ...

Cette dernière, autorise le parlement à emprisonner au secret, sans chef d’accusation et pour une période maximale de 6 mois, toute personne suspectée de crimes “mettant en danger la sécurité nationale”, internautes compris…

Entre mi février et mi avril, 1000 personnes ont été arrêtées, une cinquantaine de sites internet ont été fermés, 3000 ont été rappelés à l’ordre et 210 000 messages de micro blogs ont été effacé par la cyberpolice de l’empire du milieu.

Par ailleurs, et à titre d’exemple, les cyberdissidents Chen Xi (陈西) et Chen Wei (陈卫) ont été condamnés respectivement, les 26 et 23 décembre derniers, à onze et neuf ans de prison pour “subversion”comme le révèle Reporters sans frontières

Comme le souligne cependant Séverine Arsène, spécialiste des médias et de l’internet en Chine et auteure de “Internet et politique en Chine : Les contours normatifs de la contestation“:

Le durcissement de la répression et la volonté de faire taire les dissidences sont bel et bien réels et sont en partie liés au contexte du congrès du parti en octobre et à des tensions politiques dont témoignent les arrestations qui viennent d’avoir lieu à Chongqing. Cependant on voit que cela devient de plus en plus problématique pour les autorités d’emprisonner ou de réprimer avec impunité, en dehors du droit et en dehors d’une apparence légale pour la population et pour l’étranger. Certaine des mesures prises dernièrement étaient en fait déjà appliquées auparavant mais le gouvernement légifère car c’est un moyen de légitimer la répression. Cela témoigne en quelque sorte d’un certain respect pour le “formalisme de droit” face à une dissidence sur le web que le gouvernement ne parvient plus à endiguer.

Outre une utilisation purement répressive du web, le régime use de plus en plus de la technologie internet comme d’un outil stratégique dans tous les domaines de sa politique aussi bien pour comprendre et cibler les risques de dissidences en amont que pour gérer des intérêts économiques, diplomatiques ou encore militaires. Cette pensée politique visant à s’appuyer sur les nouvelles technologies pour gouverner est en réalité issue d’une pensée bien plus ancienne et profondément ancrée dans la conception chinoise du pouvoir . Au VIe siècle avant notre ère, le stratège et néanmoins auteur Sun Zi écrivait ainsi dans son”Art de la guerre”:

Celui qui excelle à résoudre les difficultés les résout avant qu’elles ne surgissent. Celui qui excelle à vaincre ses ennemis triomphe avant que les menaces de ceux-ci ne se concrétisent.


Illustrations et photos par (CC-by) Abode of chaos

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L’Internationale des hackers réunie en Serbie http://owni.fr/2012/05/10/linternationale-des-hackers-reunie-en-serbie/ http://owni.fr/2012/05/10/linternationale-des-hackers-reunie-en-serbie/#comments Thu, 10 May 2012 08:01:46 +0000 Florentin Cassonnet http://owni.fr/?p=109306 OWNI y était. L'occasion d'entendre des spécialistes de l'intrusion et du craquage. L'occasion surtout de confirmer que l'activisme politique ne peut plus se passer de l'hacktivisme. La société du spectacle a donné naissance à la société de surveillance, développée autour d'habiles fictions. Et l'activiste 2.0 est son sauveur. Entre bonnes bières et danses furieuses. Reportage.]]>

George "Geohot" Hotz sur la scène de Share à Belgrade, avril 2012 (cc) Share Conference

Dom Omladine, la Maison de la jeunesse de Belgrade. George Hotz monte sur scène et le public de l’amphithéâtre plein à craquer siffle, crie, applaudit à tout rompre. Ici, George Hotz est une superstar.

Une superstar sans guitare mais avec une télécommande, un ordinateur devant et un écran derrière lui : Geohot est hacker. Mais un “white hat” hacker qui entend le hacking dans son sens de détournement de l’usage originel de l’objet. En 2007, il hacke le premier iPhone pour pouvoir utiliser son propre opérateur téléphonique et non seulement l’entreprise AT&T. Il a 17 ans. En 2009, il se fait la Playstation 3, de Sony. Avant de monter sur scène, il enfile une veste de costume qu’il retirera juste après. Il parle vite, comme si le monde entier parlait l’américain. Pourtant, il s’exprime devant un auditoire international, à Belgrade, en Serbie.

Dans les gradins, comme un cliché, pratiquement tout le monde a un ordinateur ou un téléphone connecté à l’un des six émetteurs wifi prévus pour l’évènement, avec bien souvent une page Facebook d’ouverte. La Share Conference est un mélange d’activisme par nouvelles technologies interposées et de concerts/fêtes/musique.

Échelle des valeurs

George Hotz raconte l’histoire qui lui a valu son procès contre Sony (qui s’est terminé à l’amiable en avril 2011). “Je n’ai pas pas le droit de parler du procès, mais… j’ai quand même écrit une chanson de rap dessus.” La salle se marre quand il commence à rapper. Entre autres vers : “Mais putain, ils sont une entreprise et moi je suis la personnification de la liberté pour tous“. Plus tard, dans les escaliers, le jeune hacker se fait arrêter par des filles pour une séance photo. Le geek activiste politisé est devenu le chevalier des temps modernes.

George "geohot" Hotz sur la scène de Share à Belgrade, avril 2012 (cc) Share Conference

Chevalier des temps modernes ou “whistleblower” (lanceur d’alertes). C’est ainsi que Daniel Domscheit-Berg nomme les héros d’un monde où Bradley Manning (une taupe supposée de Wikileaks selon le Pentagone) serait en haut de l’échelle des valeurs. L’ancien numéro deux de Wikileaks qui s’est brouillé avec Julian Assange et une bonne partie de ses anciens collègues tente de développer depuis un an un site concurrent, Openleaks. Il s’agit, grâce à Internet, d’aller dans des endroits où on ne peut pas aller : “Est-ce que je connais l’agenda de mon gouvernement ? Non.” Internet serait un outil dans lequel des whistleblowers pourraient avoir confiance pour rendre publiques des informations, pour agir selon la morale et non forcément selon la loi : nouveau projet, nouvelles valeurs, nouveaux héros.

Activisme apolitique

Pourtant, l’évènement ne ressemble pas à un meeting de parti politique. Le ton n’est pas à l’endoctrinement, les conférenciers sont trop variés pour produire un discours monolithique, l’ambiance se rapproche de celle d’un festival où trop de choses ont lieu en même temps pour qu’une personne puisse assister à tout. Il faut donc s’élaborer son propre menu entre conférences, culture, sessions questions/réponses, séance et travail et bière au bar.

Rasmus Fleischer sur la scène de Share à Belgrade, avril 2012 (cc) Share Conference

Le rassemblement est a priori apolitique, au sens où aucun parti conventionnel ne saurait s’en prévaloir, mais son contenu est hautement politique. Rasmus Fleisher, l’un des fondateurs du Bureau for Piracy et de Pirate Bay, parle de “contre-révolution du smorgasbord digital” (buffet à la scandinave).

Si Internet est coupé quelque part, en Serbie, en Égypte, en Tunisie, on a besoin d’organiser un ’sneakernet’ (un réseau de coursiers), un ‘radionet’, avec des pirates, etc. Il faut réussir à combiner la vitesse (d’Internet) et la lenteur (dont a besoin la réflexion).

Jérémie Zimmerman, de la Quadrature du Net, se met à distance de tout parti politique. Même des partis pirates. Car il ne joue pas dans l’arène partisane mais plus dans le lobbying au long cours, même s’il n’aime pas le terme. Il veut changer les esprits des gens – et des parlementaires. Il parle de “guerre : copyright versus partage”.

Et on peut gagner cette guerre sans verser une seule goutte de sang. Il faut protéger Internet comme un bien commun décentralisé et non comme une entreprise privée.

Jérémie Zimmermann sur la scène de Share à Belgrade, avril 2012 (cc) Share Conference

Le lendemain, Andrew Keen, écrivain polémiste, dénoncera l’ambition de Facebook de devenir “le système opérateur central du réseau“.

Pouvoir danser

Il met en garde : “Big data companies are as exploitative as big oil companies or big pharmaceutical companies “. La veille, dans l’après-midi, Eben Moglen, l’inventeur de la Freedom Box, était sur l’écran pour délivrer son message. Vissé sur sa chaise comme accroché à sa cravate bleu clair, sa vidéo de 15 minutes prendra peu à peu l’allure d’un film d’horreur avec Big Data dans le rôle de Big Brother :

Partout sur la planète, dans les supposées démocraties comme la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis, des lois et règlements sont mis en place pour collecter des données sur les citoyens. La search box (l’outil de recherche) livre ce qu’il y a dans nos têtes. Et Facebook, l’arme la plus menaçante pour la société, est entre les mains d’un enfant.

Si le fond de son intervention entre en résonance avec les propos de nombreux autres conférenciers, ce ton apocalyptique sonnait presque faux quand chaque soir, tout le monde partait faire la fête jusqu’à tard dans la nuit. Et ça se voyait sur les têtes à la reprise des conférences les lendemains midis.

DMX crew live DJ set (cc) Conférence Share, Belgrade, avril 2012

Présent lors de la première édition en 2011, Sam Graham Felsen, blogueur en chef de la campagne d’Obama en 2008, s’est lancé dans une définition de l’esprit :

Je ne veux pas de révolutions si je ne peux pas danser. C’est de ça dont il s’agit : créer le changement social tout en se marrant.

On retrouve ici le leitmotiv des Anonymous : haktivism et lulz (pluriel de lol ou la marrade virtuel). Mais rien de tout cela n’est neuf. Sauf que défiler derrière une camionette de la CGT avec Mireille qui chante du Renaud dans des enceintes saturées, ce n’est plus forcément la conception que les jeunes ont du “changement social tout en se marrant“.

Mourir dans 4 ans

Trois jours après la fin de Share Conference, je retrouve Vladan Joler à Novi Sad, troisième ville de Serbie. Il porte un T-shirt “Creative Commons”, répond ouvertement aux questions, mais garde toujours un oeil sur son fils de deux ans qui courre dans tous les sens. Ce serbe de 34 ans est le fondateur et directeur de Share Conference. Il revient sur l’évènement :

C’est un mix de gens de gauche, d’activistes, de hackers, qui sont généralement des cercles plutôt fermés, avec des fétichistes techno-Internet pour la révolution. Il s’agissait de rassembler au même endroit des enfants d’Internet, les mouvements d’open sources, des ONG, des universités, des gouvernements et des outils pour pouvoir voir the big picture.

Vladan Joler, fondateur de Share, à Belgrade, avril 2012 (cc) Share Conference

La première édition de Share Conference a eu lieu en 2011. Par exemple, était présent Sami Ben Gharbia, activiste sur Internet et opposant politique tunisien impliqué dans la révolution qui a chassé Ben Ali du pouvoir. Et les conférenciers de 2011 ont servi de programmation décentralisée pour trouver les conférenciers de 2012. “On voulait déconstruire l’évènement. Le rendre expérimental à chaque étape et d’année en année“, explique Vladan Joler. D’ailleurs, il souhaite à Share de mourir dans 3-4 ans et de faire naître plusieurs “contre-Share“.

Les lieux sont faits pour accueillir 2000 personnes. La place était gratuite à condition d’avoir participé au projet, ne serait-ce qu’en faisant une affiche. Mais pour ça, il faut des sponsors, car le rassemblement de trois jours coûte 200 000€. Et malgré les nombreuses attaques contre la centralisation monopolistique de l’Internet, Google est de la partie. Il a participé pour 5% (10 000€), mais Joler assure que cette participation de Google les a surtout crédibilisés auprès des bailleurs locaux. Et qu’il reste certains départements de l’entreprise californienne encore dans l’esprit hacker. C’est une initiative gouvernementale serbe, Digital Agenda, qui représente la plus grosse part du gâteau avec 25% (50 000€). Sur ces 200 000€, le noyau dur des organisateurs (soit environ 5 personnes) ne s’est pas encore payé. Ils travaillent dessus depuis des mois pourtant.

Acupuncture de société

Vladan Joler n’est pas un novice de l’organisation. Il fait partie de ces jeunes serbes qui avaient organisé à l’été 2000 les 100 jours du festival Exit, pour sortir Slobodan Milošević du pouvoir. Il était devenu le directeur artistique du festival qui a aujourd’hui pris une envergure mondiale. Il a créé Share pour sortir du divertissement et revenir à un contenu plus radical. Après l’édition de 2011, certains ont été déçus que Share se soit pas le début de la révolution. Mais s’il apprécie les partis pirates, Wikileaks, Anonymous, 99% et consorts, il voit plutôt Share comme une “plateforme neutre pour ces groupes et initiatives“.

Et ce genre de plateforme sur multiplie. Point Conference à Sarajevo (Bosnie), Engage à Skopje (Macédoine), Re:publica à Berlin… “Acupuncture de société“, c’est ainsi qu’il définit sa démarche hors des ONG et des partis politiques. Activisme politique, vision du futur et internationalisme : certains peuvent y voir le renouveau d’utopies politiques qui manquent aujourd’hui à une gauche de gouvernement.

D’ailleurs, avant de naître, le rassemblement a failli s’appeler “Le Printemps de Belgrade”. Et le printemps arabe, lui, n’avait pas encore commencé.


Photographies via Share Conference [CC-bysa]

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Assange interroge les révoltes arabes http://owni.fr/2012/05/08/assange-interroge-les-revoltes-arabes/ http://owni.fr/2012/05/08/assange-interroge-les-revoltes-arabes/#comments Tue, 08 May 2012 09:15:30 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=109489

Nouvelle interview de Julian Assange sur RT, anciennement Russian TV, la télévision proche du Kremlin. Pour le quatrième épisode de “The World Tomorrow”, le fondateur de WikiLeaks a choisi d’interroger deux activistes arabes, l’Egyptien Alaa Abd El-Fattah et le Bahreïni Nabil Rajab.

Samedi, Nabil Rajab, régulièrement harcelé par les forces de sécurité, a été arrêté, probablement en raison de la diffusion aujourd’hui de son interview aujourd’hui a avancé WikiLeaks. L’organisation a décidé de la maintenir et d’en profiter pour attirer l’attention sur la répression des activistes au Bahreïn. L’organisation de Julian Assange proposait dès dimanche aux médias intéressés une transcription de l’interview, réalisée le 29 février.

La révolution en cours au Bahreïn

Après le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour la grande première, le conservateur américain David Horowitz et Slavoj Zizek pour le deuxième épisode, le président tunisien Monzef Marzouki pour le troisième, “The World Tomorrow” poursuit sa plongée dans le monde arabe.

À l’exemple tunisien, “sans doute le plus fructueux” dit Assange, s’oppose l’Égypte dont “le gouvernement n’est pas exactement tombé pour l’instant” commente l’activiste Alaa Abd El-Fattah. Et surtout le Bahreïn qui “n’est pas un échec” pour Nabil Rajab, car la révolution “y est encore en cours” :

Elle a un prix et nous devons payer ce prix. Le coût sera peut-être très élevé, nous avons déjà payé beaucoup mais nous voulons continuer afin d’obtenir les changements pour lesquels nous nous battons. (…) Beaucoup ont été tués comparé à la population du pays [Environ 1,2 million, NDLR], beaucoup plus qu’en Égypte ou en Tunisie. Le nombre de personnes emprisonnées aussi est bien plus élevé par rapport à la population. Des gens ont été renvoyés de leur travail, des gens ont été torturés systématiquement, des gens ont été tués, des mosquées détruites, des maisons mises à sac…

Dans ce panorama moyen-oriental, où Assange s’étonne d’entendre de la musique au début de l’interview réalisée par Skype – “l’appel à la prière” corrige Alaa Abd El-Fattah en direct du Caire – le fondateur de WikiLeaks interroge longuement ses deux invités sur leur passé, leur parcours de militant, mais aussi sur ses lubies : l’impérialisme américain et l’hacktivisme (et sa sainte trinité Facebook, Twitter, WikiLeaks ; Amen).

À propos de l’oncle Sam, Assange demande à ses invités s’ils sont d’accord avec les néo-conservateurs américains. L’invasion américaine en Irak fut-elle le printemps qui annonça neuf ans plus tard les révolutions arabes ? Non, répondent à l’unisson les deux activistes. Nabil Rajab :

Hé bien, c’est assez drôle. Les Américains n’étaient même pas préparés à ces révolutions en Tunisie et en Égypte. (…) Ils n’ont pas soutenu la révolution égyptienne de la même façon qu’ils ne l’avaient pas soutenue en Tunisie. Quand ils ont réalisé que c’était un fait, qu’elle allait se produire avec ou sans eux, ils ont été forcés de se positionner, au risque de faire de ces nouveaux gouvernements des ennemis dans le futur. (…) Ces régimes dictatoriaux répressifs ont été soutenus et renforcés toutes ces années par les Américains. Ils étaient leurs agents dans notre région. (…) Aujourd’hui, les Américains sont contre la démocratie au Bahreïn.

Même refus pour Alaa Abd El-Fattah, pour qui l’invasion américaine a pu jouer un rôle dans le déclenchement des révoltes arabes, mais pas dans le sens que Dick Cheney prétend :

[L'invasion américaine en Irak] a définitivement retiré la dernière once de légitimité aux régimes arabes qui n’ont pas réussi à protéger l’Irak.

Et de rappeler les manifestations en opposition à la guerre en 2003 au Caire, vivement réprimées, qui s’étaient retournées contre Moubarak, potentat jugé trop atlantiste.

Critique de l’impérialisme donc, mais aussi de théories plus ou moins étayées sur les véritables causes de ces révoltes. En creux, les deux activistes réfutent la thèse d’un soutien de Washington par fondations interposées, comme la National Endowment for Democracy (NED) qui a financé Canvas en Serbie, où avaient séjourné des membres d’un groupe d’activistes égyptiens quelques temps avant la révolution.

D’autant que le NED est soupçonné d’avoir également financé le Bahrain Centre for Human Rights auquel appartient Nabil Rajab. Lui dément avoir reçu le moindre dollar du gouvernement américain. En revanche, il reste plus évasif sur les dollars de la société civile, quel qu’en soit le pays d’origine et son circuit, fût-ce via d’éventuelles fondations destinées à leur ôter toute couleur politique.

Les récits des révolutions

Pour Washington et sa secrétaire d’État Hillary Clinton, les révolutions ont été victorieuses grâce “à deux grandes entreprises américaines, Twitter et Facebook” lance Julian Assange, cabotin, avant de partir d’un rire partagé avec ses invités. Une apostrophe certes, qui permet tout de même à l’activiste égyptien de développer sa pensée sur le rôle, tant commenté, des réseaux pendant la révolution.

La révolution se joue tant dans les rues que dans les récits qui en sont fait, explique-il. Dans cette concurrence des récits de la révolution, quelle est vraiment la place, si disputée, de la génération Facebook ? Il répond, lucide et introspectif :

Ces jeunes gens aisés de la classe moyenne, très éduqués, connectés à Internet, ont joué un rôle important dans la révolution et ils ont été, pour des raisons tout à fait tactiques, les symboles de la révolution. On avait besoin que le monde entier aime cette révolution égyptienne ! (…) Hillary Clinton ne défendait pas seulement les entreprises américaines, elle défendait un récit écrit pour arrêter la révolution, pour ne pas qu’elle aille plus loin que Moubarak. Mais Twitter et Facebook ont quand même été très utiles.

Le Bahreïn offre un autre visage de l’hacktivisme. Non seulement parce que le Bahreïn est “le pays le plus actif sur Twitter dans le monde arabe”, mais parce que le gouvernement aussi est l’un “des plus intelligents dans son utilisation” des réseaux sociaux détaille Nabil Rajab. Selon lui, le gouvernement emploie des entreprises de relations publiques pour gérer son image sur les réseaux et diffuser sa propagande. Des community managers de la famille régnante du Bahreïn, la famille Al-Khalifa, qui “créent une fausse opinion publique, la trompent, montrent une réalité différente de celle qui existe réellement dans le pays.”

Le gouvernement du Bahreïn a essayé d’apprendre et riposte en utilisant les mêmes outils.

Le cyberutopisme semble bien loin et le scepticisme d’Eygeny Morozov plus que jamais d’actualité : les hacktivistes utilisent les réseaux sociaux, les dictatures aussi. Pour diffuser de la propagande, pour surveiller la population comme les exemples libyen et syrien ont achevé de le démontrer. La répression existe, déplore Nabil Rajab, elle est terrible (“des activistes sur Twitter ont été emprisonnés, certains torturés à mort”) mais au moins, de plus en plus de personnes investissent les réseaux sociaux et Internet, même sa mère – et celle d’Assange s’empresse d’ajouter celui-ci.

Comme à son habitude, le fondateur de WikiLeaks a joué de sa proximité avec les activistes, en raison des ennuis judiciaires qu’il connaît.

Alaa Abd El-Fattah : Alors dans quel pays vas-tu être emprisonné ?

Assange : Hé bien, c’est une question intéressante… En ce moment, assigné à résidence au Royaume-Uni, peut-être un peu en prison ici aussi, peut-être emprisonné en Suède, et peut-être aux États-Unis. Et toi, Bahreïn ?

Nabil Rajab : Je peux vous proposer le Bahreïn.

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La révolution des hackers http://owni.fr/2012/04/17/enfin-une-revolution-cool/ http://owni.fr/2012/04/17/enfin-une-revolution-cool/#comments Tue, 17 Apr 2012 15:37:45 +0000 Thierry Keller (Usbek & Rica) http://owni.fr/?p=106436 Uzbek & Rica organisent à la Gaîté lyrique à Paris un Tribunal pour les générations futures avec, à la barre, la révolution qui vient. Celle d'une société de l'information libre et gratuite, en opposition à une société construite par des industries dites culturelles. Thème du procès de ce soir: "la culture doit-elle être libre et gratuite ?" Dès à présent, récit de la genèse de cette cooool révolution.]]>

[LIVESTREAM] Suivez le tribunal des générations futures en direct sur Dailymotion.


Les hackers sont en train de réussir là où les marxistes avaient échoué : bâtir une société fondée sur le partage. À tout point de vue, cette révolution est vraiment plus sympa que la précédente.

Pour la première fois dans l’Histoire, il est donné aux hommes l’occasion de réussir quelque chose de grand, et sans faire de morts. Grâce à Internet et à ses bons génies, les hackers, une nouvelle civilisation est à portée de vie : la civilisation du partage. Soyons francs : la grande affaire des XIXe et XXe siècles, c’est la révolution. Parvenus à un stade de développement tel que les inégalités devenaient insupportables, les hommes, guidés par une élite intellectuelle nourrie à la philosophie grecque et à la Révolution française, n’ont eu de cesse de vouloir bâtir une société idéale.

« À chacun selon ses besoins », écrit Marx dans Critique du programme de Gotha (1875). C’était le credo : une société où chaque être humain pourrait se réaliser, briser ses chaînes, s’élever. Cette quête fut un combustible ravageur. Combien d’individus sont morts pour la cause ? Combien sont morts assassinés par la cause ? Du haut de notre millénaire flambant neuf, nous avons tendance à l’oublier : la révolution, jusqu’en 1989, fut la seule chose importante dans la vie de centaines de millions de gens. Pour le pire et pour le meilleur. Souvent pour le pire.

De toute façon, la révolution a échoué

Elle a échoué parce que la pureté qu’elle réclame a conduit ses soldats à pratiquer l’anathème, le sectarisme, et à répandre la terreur à l’encontre de tout récalcitrant. Parce que, au nom de l’émancipation, elle a nié la dignité absolue de l’individu. Enfin, parce qu’elle a voulu étendre le champ de la politique à la vie entière. Mais la beauté, l’amour, l’amitié, l’art ne sont pas réductibles à la politique.
Trotski croyait que la révolution avait été « trahie ». Par la bureaucratie, par Staline et ses nervis, qui avaient transformé le rêve en cauchemar. Il avait tort. Le ver était déjà dans le fruit. On ne fait pas le bonheur des gens à leur place. Une révolution dirigée par Trotski aurait-elle été plus douce ? Pas sûr.
Résultat, le capitalisme a gagné à plate couture. Quoi de plus normal ? Le capitalisme est un fantasme puissant. Personne n’a jamais rêvé de franchir le rideau de fer d’ouest en est. Où a-t-on jamais vu que la liberté et le bien-être matériel s’épanouissaient à l’ombre d’un autre système ? À Cuba ? En Chine ? Allons ! Sauf qu’aujourd’hui le système est à bout de souffle.

Un spectre hante le monde : le partage

Oui, à bout de souffle. L’économie est vampirisée par la finance. Elle organise la plus extraordinaire captation de richesses de tous les temps, au profit de quelques sales gosses déguisés en gentlemen, et au détriment de tous les autres. Quant au système politique, assis sur l’État-nation et la démocratie représentative, il fait semblant d’être en vie, mais il est en état de mort clinique. Et ce n’est pas le simulacre de joute auquel nous assistons en ces temps électoraux qui le ranimera. Le capitalisme est mort, la politique est morte. Tant mieux : il faut tout réinventer.

Tout réinventer à condition de savoir piocher dans la boîte à outils que, depuis quelques décennies, des congénères bien intentionnés préparent pour nous. Dans le langage officiel, on les appelle « hackers ». Ils font la une de quelques magazines, sont l’objet de documentaires. Le grand public connaît le plus célèbre d’entre eux, un Australien à cheveux blancs accusé de viol, nommé Assange. Dans le langage marxiste, on les appellerait des « camarades ». Jadis, les possédants les désignaient sous le vocable méprisant de « partageux ». En langue usbekienne, appelons-les plutôt des « anges gardiens », ou des « amis ». À l’origine, rien ne les prédisposait à enfiler le costume de justicier.

Les hackers (bidouilleurs, en français) étaient de simples amoureux de technologie qui ne comprenaient pas pourquoi les firmes gardaient pour elles les codes sources de banales machines. Selon eux, le savoir et le progrès technique devaient être partagés. Ce n’était pas une vision du monde idéologique (l’horrible mot), mais pragmatique. Depuis, les choses ont changé. Les voici à la tête d’un mouvement qui les dépasse. Ils sont devenus des militants, un peu bon gré mal gré ; c’est pourquoi on dit aussi d’eux que ce sont des « hacktivistes ». Peut-être même que si Trotski était vivant, il serait l’un d’entre eux ! Leur job ? Ridiculiser les puissants, rendre visible ce qui est caché et accessible ce qui est confisqué.
Bien sûr, comme ceux qui ont raison avant les autres, ils sont pourchassés. Leur obsession du partage, ça passe mal chez les gardiens du temple. Quand on détient l’information, l’autorité ou le capital, on détient le pouvoir. En être dépossédés, c’est un renoncement auquel peu sont prêts. Criminalisés aujourd’hui, les hackers risquent pourtant bien d’être célébrés demain comme bienfaiteurs. Aujourd’hui underground (on parlait avant d’« avant-garde »), la révolution hacker va vite devenir mainstream (on disait les « masses »). Quand les hackers deviendront mainstream, la révolution aura gagné. Vraiment ? Oui, parce que ce sera une révolution cool.

Humour, humanisme et ego-altruisme

Si elle vise aux mêmes buts que la précédente (une humanité fraternelle), la révolution en cours propose une méthode plus fun (c’est un peu ça, le fun, après tout, qui manquait à Lénine et à ses amis), une méthode qui s’appuie sur quelques principes simples.
L’ego-altruisme, d’abord : une culture qui réconcilie le « nous » des communistes et le « je » des libéraux. L’humanisme, ensuite : un retour bienvenu au récit à « hauteur d’homme », où chacun ne serait pas simplement le jouet de la Grande Histoire, ce qui serait désolant, dessinant les contours du nouvel « humanisme numérique » prôné par le philosophe Milad Doueihi. L’humour, enfin. Une capacité naturelle à entreprendre des choses sérieuses (faire tomber une dictature ou mettre en ligne les plans d’une moissonneuse-batteuse) sans se prendre au sérieux, là où le second degré et l’insolence étaient totalement étrangers à la révolution 1.0.

Osons un sacrilège : la révolution va triompher parce qu’elle sera – elle est déjà – une révolution apolitique. Elle change le monde tranquillement, sans tambour ni trompette, sans excommunications, et sans Grand Soir. Elle obtient des résultats, ne se contente pas de pureté idéologique ni d’incantations. Elle a commencé dans des bureaux d’université occupés par des informaticiens barbus, elle finira dans l’école de nos enfants, dans les rues de nos villes, dans les contrées les plus reculées du monde. La révolution hacker va dessiner une nouvelle civilisation, où tout sera réinventé : l’argent, le pouvoir, l’instruction, la propriété, les frontières, l’identité, la famille… Elle ne fera pas de morts parce qu’elle ne sera pas décrétée d’en haut par un Politburo. C’est cette histoire que nous avons voulu partager avec vous dans les pages qui précèdent. Et qu’Usbek & Rica continuera à raconter dans les prochains épisodes.

Choisis ton camp, ami !

Bien sûr, veillons à ne pas sombrer dans la technophilie béate. L’ère numérique ne recèle pas que des bienfaits.
Il ne faut pas confondre les outils et les buts. Les terroristes islamistes sont des sortes de hackers aux visées macabres. Techniquement, ce sont des contemporains ; politiquement, ce sont des fascistes. Cette civilisation émergente n’affleure pas partout. Quoique mondiale, elle passe encore au-dessus du quart-monde, mais aussi du tiers-monde. Des pauvres d’ici et des pauvres de là-bas, ceux qui n’ont pas les codes pour en goûter les fruits.

Les marxistes avant nous pensaient que la chute du capitalisme était inéluctable. La civilisation du partage a des ennemis : les dictatures, et, chez nous, en vrac, la raison d’État, Acta, Hadopi, les fournisseurs d’accès à Internet qui veulent continuer à s’enrichir et rêvent d’un réseau truffé de péages comme une autoroute.
La nouvelle bataille oppose non plus les révolutionnaires aux bourgeois, mais les altruistes aux égoïstes. Jeremy Rifkin :

« Il semble qu’un nouvel état d’esprit émerge chez les responsables politiques des jeunes générations socialisées sur Internet. Leur politique se structure moins en termes de “droite” et de “gauche” qu’autour d’un nouveau clivage : “centralisé et autoritaire” contre “distribué et coopératif” »

Rifkin n’est pas la Bible, mais, enfin, il a parfois de bonnes intuitions. En ce qui nous concerne, nous avons choisi notre camp. Nous ne jetterons pas l’anathème sur les ennemis de la révolution, nous ne les enverrons pas en camp de rééducation idéologique. Mieux : chacun sera le bienvenu dans la grande aventure de la civilisation du partage, même les capitalistes. Les autres, nous les combattrons.


Design par Almasty pour Usbek & Rica
Adaptation pour Owni par Ophelia Noor

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Drones d’hacktivistes http://owni.fr/2012/03/09/drones-dhacktivistes/ http://owni.fr/2012/03/09/drones-dhacktivistes/#comments Fri, 09 Mar 2012 17:23:25 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=100968
Surveiller les surveillants, en détournant leurs dernières marottes techniques : après les caméras de vidéosurveillance, les drones sont à leur tour mis au service de l’activisme, voire de l’hacktivisme. On pourrait également qualifier ces détournements d’artivisme, cette façon d’utiliser l’expression artistique pour porter un message politique.

Il semblerait que le premier projet de ce type remonte à 2004, du moins selon l’artiviste autrichien Konrad Becker qui s’en est occupé dans le cadre du projet Netbase. Son nom de code ? S-77 CCR, pour System 77 Civil Counter-Reconnaissance. Son slogan ?

Eyes in the sky, democracy in the street.

“Des yeux dans le ciel, la démocratie dans la rue”. Un slogan qui résume un message très politique :

Pour permettre un équilibre des compétences en matière de surveillance et une large éducation du public aux technologies de contrôle, il semble nécessaire que les gens y aient accès.

Il a été déployé en public en mai 2004 à Vienne. “Nous avions besoin d’une ‘preuve de concept‘”, se souvient Konrad Becker. Toutefois nous avons attiré l’attention de la police et des médias à l’époque… ” Depuis, S-77 CCR a été poursuivi en toute discrétion par Marko Peljhan, un Slovaque qui a, entre autres, cofondé un des premiers media labs d’Europe de l’Est.

Hacker les communications

Mike Tassey et Rich Perkins sont des hackers poids lourd, le genre à faire des présentations lors de DefCon ou de BlackHat, raouts phares réunissant ces adeptes d’un usage créatif de la technique. L’année dernière, ils y ont présenté leur projet Wireless Aerial Surveillance Platform (WASP), ou “drone DIY” [Do It Yourself, fais-le toi-même] pour la cyberguerre”, créé en 2009. Concrètement, cet avion-espion est capable d’intercepter les communications transitant par Wi-Fi et donc de dérober des données. Le but n’est pas d’aller en prison mais de pointer des failles de sécurité potentielles. L’essence d’un bon hacker, comme ils l’expliquaient en introduction à la conférence Black Hat :

Que pourrait faire un avion autonome volant à basse altitude transportant 5 kilos d’outils pour la cyber-attaque du réseau de votre organisation, aux infrastructures critiques de votre pays ou pire s’il transportait quelque chose d’épouvantable, quelles seraient les conséquences en terme d’exigences pour la sécurité publique ?

Buzz vidéo de Pologne

Les drones sont revenus sur le tapis médiatique en novembre, avec la vidéo d’un engin baptisé RoboKopter survolant des manifestations à Varsovie en Pologne, à l’initiative d’un activiste. Elle a été visionnée plus de 650 000 fois sur YouTube. Une manière comme une autre de faire  des émules.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Occupy les airs : vers le “dronestream”

Le mouvement Occupy, initié  à Wall Street, a été l’occasion d’un jeu du chat et de la souris entre les manifestants et les forces de police chargées de surveiller de près voire de déloger les campeurs. L’un d’eux, Tim Pool, a sorti un atout de leur manche : Occucopter, un drone Parrot AR équipé d’une caméra et contrôlé par iPhone. Tim a bidouillé le logiciel de façon à pouvoir diffuser en direct les images sur Internet.

L’idée lui a été soufflée début 2011 par Geoff Shively, ado hacker surdoué des années 90 qui a fini par fonder sa boîte de logiciel de sécurité à l’âge de 21 ans. Mais les deux sont partis dans des directions opposées et l’idée ne sera mise en œuvre que cet automne, “après le raid sur Zuccotti park”, nous détaille Tim. Mi-novembre, la police était intervenue pour chasser les manifestants de ce parc qui y campaient depuis deux mois. Il expliquait ses motivations :

[Il s'agit de] donner aux gens ordinaires les mêmes outils que ces géants des médias multimillionaires. Cela comble avec intelligence une lacune face à certaines restrictions, comme quand la police empêche la presse de prendre des photos d’un incident.

Même si l’engin est perfectible, il a suscité l’attention : “J’ai reçu plein de questions et aidé de nombreuses personnes à mettre en place une diffusion en direct via le drone”, complète Tim. Les hackers, de façon naturelle, se sont penchés sur le sujet, en particulier à San Francisco, au hackerspace Noisebridge. Une page de documentation a été monté. On trouve même un modèle fait avec une imprimante 3D !

Et Tim poursuit sa recherche  : “je ne pense pas qu’ils deviendront aussi courant que les téléphones portables mais nous travaillons à rendre le dronestream (sic) très bon marché, de façon à ce que chacun puisse en acquérir un.”

Drone journalism

Cet automne, les images des émeutes en Pologne ont vite été reprises par les médias traditionnels. Tim Pool est également journaliste indépendant. De l’activisme au drone journalism, il n’y a qu’un pas, que résume Matt Waite, journaliste chercheur à l’université du Nebraska et créateur du Drone Journalism Lab, dédié à l’étude de la viabilité de médias aéroportés pilotés à distance :

Il y a des gens qui ne sont pas journalistes qui font des choses qui ressemblent terriblement à du journalisme, il n’est pas dur de faire un effort d’imagination. Il y a d’abord eu les émeutes en Pologne, puis les protestations pour les élections en Russie.

En résumé, il se passe la même chose avec les drones qu’avec les téléphones portables, un effacement des frontières entre citoyens et journalistes. Du moins pour fournir la matière première.

Ces drones informatifs constituent le prolongement bon marché de vieilles techniques, rappelle-t-il : “les rédactions utilisent depuis longtemps des hélicoptères et des avions avec une aile fixe pour les évènements importants. En posséder ou en louer une est coûteux.” A contrario, le drone est “une façon rentable d’avoir des contenus multimedia inédits et attractifs.”

En Australie, Justin Gong, un jeune Chinois immigré, a créé sa compagnie, XAircraft. Son produit suscite un fort intérêt de la part d’un réseau de télévision australien et plusieurs médias l’utilisent déjà, explique-t-il.

Mais la technique est pour l’instant encore perfectible, comme l’a démontré la tentative avorté de journalistes australiens qui ont filmé le centre de détention pour immigrés de Christmas Island : l’engin a fini à l’eau. Matt Waite est conscient de ces limites :

Ces quadracopters et hexacopters ont une autonomie de 15 minutes environ, alors que celles des drones militaires de qualité est bien supérieure. Donc quelle est leur efficacité ? Pas énorme. Il n’y a pas assez de temps de vol et de stabilité pour satisfaire notre imagination. Ils s’écrasent souvent et se cassent facilement. Ce n’est donc pas assez stable pour voler en toute sécurité autour de personnes. Mais je pense que c’est temporaire. La technologie avance si vite que ces défauts ne peuvent que s’améliorer.

La question de la légalité de telles pratiques reste aussi en suspend. Ainsi aux États-Unis, il est interdit “de voler au-dessus de 400 pieds (120 mètre), hors de la vue, près des gens et il ne faut pas avoir de visées commerciales”, rappelle Matt Waite. Et entre sécurité de certaines installations et liberté d’information, de quel côté penchera la balance ?

Brigitte Bardot high tech

On a tous en tête l’image de Brigitte Bardot se roulant dans la neige au Canada, serrant un bébé phoque comme le dormeur son polochon. Si la nature a ses charmes, la technique aussi. Ainsi les activistes de Sea Sheperd, à la pointe de l’innovation, ont récemment utilisé un drone pour les aider dans leur combat, la défense de la faune marine. Détail des opérations :

“Le 24 décembre, le Steve Irwin, l’un des navires de Sea Shepherd, a déployé un drone afin de localiser et photographier le Nisshin Maru, navire-usine japonais. Opération réussie! [...] Grâce aux deux drones répartis sur le Steve Irwin et le Bob Barker, il est possible de connaître la position du Nisshin Maru et de surveiller sa route; les informations sont ensuite transmises aux navires de Sea Shepherd.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Inconvénient : un drone ressemble fortement à un de ces volatiles dont les chasseurs sont friands. Du coup, aux États-Unis, un drone qui devait filmer une chasse aux pigeons a été lui-même abattu… par les chasseurs dans son collimateur. Prochaine étape, des drones blindés ?

Vol au-dessus d’un nid de dictateurs

Des drones dans les manifestations, des drones pour sauver les baleines… et des drones pour sauver l’humanité. Le mois dernier, Andrew Stobo Sniderman et Mark Hanis , les fondateurs de l’ONG Genocide Intervention ont signé une tribune dans le New York Times intitulée “Drones for Human Rights” :

Il est temps d’utiliser la révolution dans le domaine militaire pour servir la cause des droits de l’homme. Avec des drones, nous pourrions prendre des photos et des vidéos claires d’abus, et nous pourrions commencer en Syrie.

Autre avantage, expliquent-ils, les images pourraient être utilisé par les diplomates de l’ONU ou lors des procès comme preuve. Et tant pis si cela constitue une violation de l’espace aérien : “Ce serait peut-être illégal aux yeux du gouvernement syrien mais soutenir Nelson Mandela en Afrique du Sud était considéré comme illégal durant l’apartheid.”

Le recours aux drones posent aussi la question de son instrumentalisation par le régime syrien, qui pourrait crier au complot étranger et s’en servir pour réprimer avantage. Du coup pour l’heure, les ONG restent timides :

“De telles considérations figuraient dans les conversations que nous avons eues avec les organisations de défense des droits de l’Homme qui envisageaient d’utiliser des drones en Syrie mais ont finalement opté pour la fourniture de téléphones, de modems satellites et d’abris. Depuis bientôt un an, des amateurs courageux en Syrie ont sans doute essayé la bidouille avec leur petite caméra. Dans ses circonstances, la plus-value ne vaut pas la peine de l’investissement et du risque.”

Évoquant de nouveau le potentiel de ces engins, ils concluent sans ambages :

Si les organisations de défense des droits de l’Homme peuvent espionner le mal, elles ont le devoir de le faire.

“Zones temporairement augmentées”

Les artistes veillent sur les caméras

Les artistes veillent sur les caméras

Inutiles les caméras ? Pas pour les street artistes qui les détournent pour dénoncer la société de surveillance ou le ...

Lot Amoros est un artiste espagnol, qui se définit comme un “ingénieur informatique & un antiartiste transdisciplinaire”. Son GuerrillaDrone servira à réaliser “des interventions audiovisuelles dans l’air public en utilisant la réalité mixée”, de façon à créer des “zones temporairement augmentées”, en référence aux zones autonomes temporaires (TAZ) d’Hakim Bey. Le tout est réalisé avec des logiciels et du matériel libre, grâce au projet ArduCopter, utilisant Arduino.

Histoire que le concept soit cohérent aussi dans la forme. Il mettra à profit sa résidence d’artiste aux Pays-Bas, de mai à septembre, pour monter le projet et des performances.

Son message est dans la lignée de son prédécesseur autrichien,  en s’inspirant aussi d’artvertiser, une réappropriation de la publicité urbaine par la réalité augmentée :

GuerrillaDrone cherche à explorer de nouveaux usages de l’air comme un moyen d’expression, pour anticiper les questions auxquelles la société moderne devra faire face dans les décennies à venir : la présence de robot dans les espaces publics et dans les espaces publics aériens. [...]

Le droit de voler hérite d’idées du mouvement Reclaim The Spectrum : “ceux qui revendiquent le spectre [radio-électrique] anticipent un débat politique et social dont le XXe siècle a été privé mais qui ne peut être repoussé en ce nouveau siècle. Nous, citoyens, exigeons l’usage de l’air public : le médium est le message. Si le pouvoir devient de plus en plus déshumanisé avec les machines de contrôle, la technologie réagit en réinventant des dispositifs anti-establishment. [...]

GuerrilaDrone essaye d’inverser la logique du panopticon comme système opaque de contrôle en étendant les possibilités d’action directe ou de performance grâce à du matériel audiovisuel aérien, créant des écrans urbains sur n’importe quelle surface.

Plus surprenant, il fait aussi référence au transhumanisme : “Le monde des drones relève de la philosophie cybernétique et posthumaniste, le monde va changer très vite”, nous a-t-il détaillé. “On a trop de pouvoir avec cette technologie, personne ne peut les arrêter, avec la robotique ‘terrestre’ l’humain garde encore la supériorité sur les robots, mais avec la robotique ‘aérienne’, ils sont supérieurs. C’est pour ça que mon blog s’appelle ‘Hacked freedom’ : les drones ont une liberté que légalement personne ne leur a donné, et que personne ne peut leur enlever.”

Pour Lot, le projet ne parle pas de la société de surveillance mais “du pouvoir des drones par rapport aux humains, et du pouvoir de la technologie aux mains des activistes et non des gouvernements ou des militaires.”

À ce titre, il suit d’un œil inquiet le sujet, citant la possibilité de drones qui tuent automatiquement, sans assistance humaine, ou encore la volonté d’étendre leur usage en Europe. De quoi alimenter encore les velléités de détournement.


Photo via Guerilla Drone ©

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Hackers décapités http://owni.fr/2012/03/07/hackers-decapites-lulzsec-anonymous-fbi-sabu/ http://owni.fr/2012/03/07/hackers-decapites-lulzsec-anonymous-fbi-sabu/#comments Wed, 07 Mar 2012 00:17:28 +0000 Pierre Alonso et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=100985

Nous avons coupé la tête de LulzSec.

Un officiel du FBI s’est félicité mardi d’une vague d’arrestations de hackers conduites aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Elle a visé trois groupes de hackers : LulzSec, émanation foutraque du collectif informel Anonymous, AntiSec qui a revendiqué le piratage de l’entreprise de renseignement privé Stratfor, et Internet Feds.

La taupe

Ce coup de filet a été rendu possible grâce au retournement de Sabu, ou Hector Xavier Monsegur à l’état civil. Ce New-yorkais de 28 ans a récolté pendant plusieurs mois des informations au profit du FBI, d’après Fox News qui a révélé l’affaire. Un média bien placé puisque Sabu était accusé d’avoir “participé à une cyber-attaque contre les ordinateurs de Fox” selon l’acte d’accusation [PDF] établi par le procureur de New York, Preet Bharara.

Dans ce document, les faits reprochés s’arrêtent brutalement au 7 juin 2011, date de son arrestation par les autorités américaines. Le 15 août, Sabu plaide coupable pour douze chefs d’inculpation. Le FBI remplace son ordinateur portable par un autre, qu’ils maintiennent sous surveillance.

“Membre influent de trois organisations de hackers”, il lui est reproché d’avoir pris part à des activités illégales au sein de trois collectifs : Anonymous, LulzSec et Internet Feds. Deux derniers groupes auxquels appartiennent des membres arrêtés en début de semaine.

Le logo du collectif de hackers LulzSec

“Ça n’a pas été facile”, a expliqué à Fox News un officier du FBI qui a participé au retournement de Sabu. “On a réussi grâce à ses enfants. Il ne voulait pas partir en prison et les laisser. C’est comme ça qu’on l’a eu”.

L’acte d’accusation détaille les opérations auxquelles Sabu a pris part. Au sein d’Anonymous d’abord, pendant les révoltes arabes. Le procureur l’accuse d’avoir attaqué par déni de service des sites gouvernementaux en Algérie ou en Tunisie et d’avoir identifié puis testé sans autorisation des failles de sécurité dans les serveurs yéménites et zimbabwéens. Avec le collectif Internet Feds, il aurait participé aux piratages de HBGary, de The Tribune et de Fox.

La liste est plus longue, et les cibles plus sérieuses, pour les attaques conduites avec LulzSec : le Sénat américain, la radio publique américaine PBS, une branche d’une société américaine qui travaillent avec le FBI, Infragard-Atlanta, les entreprises Sony, Nintendo et Bethesda Softworks.

Piratage de Stratfor

Je sais qu’un des membres de LulzSec (“CW-1”) a été arrêté par les autorités et a accepté de coopérer avec le gouvernement dans l’espoir d’obtenir une réduction de peine. CW-1 a plaidé coupable pour plusieurs actes d’accusation (…). Selon mes recherches, les informations fournies par CW-1 sont fiables et correctes, et ont été corroborés par d’autres informations obtenues dans le cadre de cette enquête.

Cette déclaration, qui pointe Sabu sans le nommer, provient de l’agent spécial du FBI Milan Patel. Elle apparaît dans la plainte du procureur contre Jeremy Hammond, arrêté lundi à Chicago. Il est l’un des artisans du piratage de Stratfor, l’entreprise de renseignement privée dont WikiLeaks publie les échanges internes depuis le 27 février. Le piratage des boîtes mails de l’entreprise est revendiqué par AntiSec, un groupe de hackers créé en juin 2011, qu’ont rejoint “plusieurs membres de LulzSec” selon l’agent spécial du FBI.

WikiLeaks déshabille Stratfor

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En partenariat avec WikiLeaks, OWNI met en évidence le fonctionnement de l'un des leaders du renseignement privé, ...

Les services fédéraux suivent le piratage de Stratfor grâce à l’accès ouvert par Sabu. Les hackers utilisent des protocoles sécurisés pour échanger conversations et documents. Ils stockent les données dérobées à Stratfor sur des serveurs cachés (.onion) accessibles en utilisant Tor, un logiciel permettant d’anonymiser la navigation sur Internet.

Lors du piratage, le FBI demande à Sabu de fournir aux hackers d’AntiSec un serveur pour stocker les données. L’agent spécial Milan Patel les authentifie en les comparant à celles disponibles sur le serveur caché (.onion). Les discussions en temps réel entre Sabu et Jeremy Hammond  sont chiffrées, mais l’agent du FBI en obtient copie. Dès le 6 décembre, Jeremy Hammond raconte avoir choisi une nouvelle cible, Stratfor. Quelques jours plus tard, le 19 décembre, il annonce que l’ensemble des messages internes de l’entreprise de renseignement privé ont été copiés.


Illustration par Karat (CC-byncsa) remixée par Owni /-)

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Radio Anonymous http://owni.fr/2012/02/29/anonymouv-journee-speciale-lemouv/ http://owni.fr/2012/02/29/anonymouv-journee-speciale-lemouv/#comments Wed, 29 Feb 2012 09:11:51 +0000 la redaction http://owni.fr/?p=100132 En ce 29 février, journée hackée du calendrier, OWNI et la radio Le Mouv’ vous propose une journée spéciale “Hacktivisme”, savamment baptisée “Anonymouv’”. Hacking, do-ocracy, Anonymous, etc, nous aborderons dans toutes les émissions les aspects principaux du sujet.

À l’heure où 25 personnes soupçonnées de faire partie du mouvement Anonymous ont été arrêtées, il est important de cerner au mieux ce mouvement protéiforme et de le rendre intelligible au plus grand nombre.

L’équipe d’OWNI interviendra régulièrement à l’antenne afin de répondre à vos questions, comme au bon vieux temps des speakerines. Ces questions, vous pouvez les poser en commentaires de cet article, sur Twitter (hashtag #anonymouv) ou encore via notre merveilleuse application disponible ci dessus. En espérant que nous pourrons vous éclairer des petites lumières que nous tentons d’allumer régulièrement sur OWNI.

A réécouter sur le Mouv’ :

Les podcasts déjà en ligne :

- L’hacktivisme est-il un anarchisme ?
- Qui sont les Anonymous ?
- Le 7/9, avec Ohkin de Telecomix et Nicolas Danet, auteur de Anonymous, peuvent-ils changer le monde ?
- Le midi/2, avec Olivier Tesquet
- Les Anonymous et le pouvoir latéral.

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Fuites d’argent contre WikiLeaks http://owni.fr/2012/02/27/fuites-dargent-contre-wikileaks/ http://owni.fr/2012/02/27/fuites-dargent-contre-wikileaks/#comments Mon, 27 Feb 2012 02:33:08 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=99808

Un constat. Les chasseurs de vérités (au pluriel parce que la vérité est plurielle) terminent rarement leur parcours fortune faite. L’argent qu’on leur confie reste un moyen pour s’engager dans les chemins qu’ils empruntent. Rien qui ne représente un but. Juste une ressource, parmi d’autres, pour mener à bien leur quête au jour le jour.

C’est leur fragilité essentielle, systémique. Car les institutions qu’ils combattent perçoivent ce vecteur financier comme l’instrument permettant de les ralentir, de les embarrasser au moins, fût-ce en les contraignant, épisodiquement, à parler autant de leurs difficultés matérielles que des vérités mises à jour. WikiLeaks n’échappe pas à la règle.

Internet massivement surveillé

Internet massivement surveillé

En partenariat avec WikiLeaks, OWNI révèle l'existence d'un nouveau marché des interceptions massives, permettant ...

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de soutenir la campagne appelant à effectuer des dons à son profit. Ces dernières années, grâce à ces soutiens, WikiLeaks a déjà apporté une contribution décisive aux relations longtemps déséquilibrées entre les citoyens et les États sur les questions d’intérêt général – sur la guerre en Irak, la guerre en Afghanistan, sur l’impact de la diplomatie américaine sur les affaires du monde, ou encore sur les technologies de surveillance massive des communications.

Autant de sujets majeurs dont la remise à plat a conduit de puissants intérêts à tout entreprendre pour faire taire l’organisation et la décrédibiliser. Ainsi, depuis le mois de décembre 2010, les fonds destinés à faire fonctionner WikiLeaks ont été bloqués à l’initiative d’établissements financiers de nationalité américaine qui par ailleurs assurent une large partie des transactions financières à travers le monde.

Soit les entreprises Visa, Mastercard, PayPal, Western Union et Bank of America. Lesquelles ont délibérément bloqué l’argent de WikiLeaks transitant par leur système, sans qu’aucune décision de justice ne le leur permette, au plan du droit.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Débats

Reconnaître ces réalités, reconnaître l’apport de WikiLeaks dans la vie de la cité, et la soutenir même modestement, n’implique pas d’évacuer tous les débats sur son fonctionnement et sa gestion, sur les trajectoires de ses membres ou sur les relations qu’elle noue à travers le monde.

C’est seulement admettre l’utilité d’une telle organisation non-gouvernementale au sortir d’une longue période où une partie de la presse se cantonnait à défendre un parti pris politique et moral ou à défendre le parti pris de ses annonceurs ; plutôt que d’amener le monde à se regarder dans un miroir, sans opinion à imposer.

Dans une société de l’information devenue une société de com’, où s’exprime plus que jamais la nécessité d’ouvrir des données dans leur globalité, WikiLeaks a permis de penser que ce projet d’open data pourrait au moins partiellement s’étendre aux sujets d’ordinaire couverts par la raison d’État. Pour que des intérêts partisans peu compatibles avec l’intérêt général cessent de se dissimuler derrière cette raison-là.


Illustration par Loguy pour Owni /-)

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