OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Gouvernement belge: ||les chiens aboient, la caravane… http://owni.fr/2010/09/09/belgique-gouvernement-les-chiens-aboient-la-caravane%e2%80%a6/ http://owni.fr/2010/09/09/belgique-gouvernement-les-chiens-aboient-la-caravane%e2%80%a6/#comments Thu, 09 Sep 2010 18:06:05 +0000 Charles Bricman http://owni.fr/?p=27592 Article initialement publié le 19 août 2010 sur On a des choses à se dire

La lecture de la presse, ce matin, m’a laissé perplexe, comme souvent.

Pour les francophones (Le Soir et La Libre, je n’ai pas les moyens de les acheter tous !), c’est entendu : ce pauvre monsieur Di Rupo a fort à faire avec cet excité de Bart De Wever, qui veut tout casser, faire disparaître la Belgique, le roi, la reine et le p’tit prince, et puis encore s’en aller avec la caisse. Mais soit : notre bon roi va prendre un peu de temps pour le sermonner, lui et tous les autres zievereirs, après quoi don Elio refera un tour de table et essaiera une dernière fois de convaincre ce zot qui n’en a jamais assez.

En néerlandais (De Standaard), c’est assez différent. C’est très différent. C’est même une tout autre histoire. Sur le coup, elle me parait plus crédible.

Au début de celle-ci, peu de temps après les élections, Elio et Bart se seraient mis d’accord entre eux sur la façon d’y arriver. En gros:  (i) on scinde BHV sans (trop) de chichis, Bart n’a pas de marge de manœuvre là-dessus ; (ii) les Flamands acceptent de refinancer Bruxelles qui en a bien besoin ; (iii) Bart oublie le confédéralisme pur et dur (au moins pour cette législature) et on ne touche pas à la loi de financement des régions et communautés, mais (iv) Elio fait accepter un transfert massif de compétences, ce qui permet d’arriver à un modèle de responsabilisation des entités fédérées, mises en possession de tous les leviers de commande (en ce compris financiers) de ces compétences.

Mais là, c’est l’embardée. Di Rupo n’est pas seul, dans le camp francophone. Ou si l’on préfère, il se retrouve très seul. Isolé. Ecartelé entre les deux camps – c’est la position de base de tout Premier ministre, obligé de se faire accepter par « les autres » sans se faire lâcher par « ses amis » – le préformateur cuisine du cosmétique à la belge.

Les transferts de compétences et de moyens budgétaires sont massifs. 15,8 milliards. Mais les leviers de décision restent entre les mains de la fédération. On ne transfère pas les politiques, seulement les sous qui doivent être dépensés pour exécuter ces politiques. Il n’y a guère d’avancée sur ce qui était l’autre point essentiel pour les Flamands : la « responsabilisation » des entités fédérées.

Les propositions du préformateur sont insuffisantes aux yeux des Flamands. Ils constatent même qu’à ce rythme, on va tuer l’État fédéral, à qui il ne restera plus qu’une trentaine de milliards pour couvrir les dépenses qui restent à sa charge. Dont 13 déjà pour le seul service de la dette. Dont les pensions qui, en raison du vieillissement de la population, vont inévitablement augmenter dans les années qui viennent.

[NDLR] “A qui profite le budget fédéral?”

“Le niveau fédéral conserve une importance pour l’armée et la justice, mais aussi pour les pensions et la sécurité sociale. Dans ces deux domaines, la Wallonie pèse lourdement sur le budget du royaume. Les pensionnés du secteur public sont plus nombreux (en proportion de la population) en Wallonie, malgré des ressources fiscales par habitant 11% inférieures!

Les dépenses de santé risquent également de plomber un possible budget wallon, puisque les indicateurs sont systématiquement verts au nord et rouges au sud. En proportion, les Wallons comptent 30% d’obèses et 40% de fumeurs en plus, et ils sont 2 fois plus nombreux à ne pas pouvoir se rendre chez le médecin faute d’argent.”

Ce n’est pas le nombre et l’importance des matières transférées qui leur paraît insuffisant. C’est leur manque de consistance qui, en sus, conduit à un désastre budgétaire.

De Wever dit alors que dans ces conditions, il va falloir revoir en profondeur la loi de financement. La « grande porte » pour parvenir à la responsabilisation des entités fédérées, d’ailleurs jugée nécessaire par les économistes du Sud comme du Nord. Le CD&V et Groen! sont d’accord. Et même le SP.A. Et là, Di Rupo se fâche. Tout rouge. De Wever a un malaise – et c’est Joëlle Milquet qui l’aide à retourner à sa voiture, il faut lire ça dans le Standaard, pour l’anecdote.

Di Rupo et De Wever se revoient. On saura sans doute ce qu’ils se sont dit dans quelques jours, semaines ou mois, quand la poussière sera retombée et la prescription acquise. Le préformateur va chez le roi. Qui siffle un temps mort de 48 heures, le temps de faire passer les Sept au confessionnal.

Et puis Di Rupo reprendra ses efforts. Rasséréné ? Reposé ? Convaincu ? Le communiqué du Palais annonce que le préformateur poursuivra sa mission dès samedi. Le roi le charge d’approfondir, à la fois (i) l’autonomie et la responsabilisation des entités fédérées pour leurs nouvelles attributions (voir la mise à jour ci-dessous) et (ii) le financement dans la durée de l’État fédéral.

Les chiens aboient. La caravane passe. Il faut qu’elle passe, admettent-ils tous. Cette caravane, c’est comme un vélo : si elle s’arrête, tout le monde se casse la gueule.

Le reste ? Les couleurs pour le moins contrastées des récits et analyses des uns et des autres ? C’est de la com’. Celle des partis.

[Màj 19 Août 18:40] J’ai rajouté après coup le passage en italique gras qui précise, et ce n’est probablement pas innocent, que la responsabilisation des entités fédérées doit être approfondie pour leurs nouvelles attributions. C’est l’analyse d’Ivan De Vadder (VRT) qui m’y a fait penser et elle me paraît pertinente : le roi renvoie ainsi les deux camps dos à dos. Aux Flamands, et principalement à la N-VA, il concède que le paquet peut être jugé « insuffisant » sur le plan de la responsabilisation des entités fédérées, mais il ajoute aussitôt, pour rassurer les francophones, que ce n’est pas une raison pour remettre en cause toute la loi de financement de 1988.

Le roi se rallie ainsi à la formule « plombiers », c’est-à-dire à une couche supplémentaire de réformes, au lieu d’une « reconstruction » du système. Je ne le lui reproche évidemment pas car il n’y est pour rien: le communiqué du Palais n’est que signé par Albert II, il est écrit par d’autres. Di Rupo certainement – c’est la lecture de De Vadder qui y voit un ultimatum de sa part -, et peut-être De Wever. L’enjeu pouvant être alors de forcer l’appareil de la N-VA – où il y a de plus fondamentalistes que De Wever – à prendre position. Tout cela fait beaucoup de grain à moudre pour ceux qui se pencheront sur l’histoire de cette négociation historique. Il n’en reste pas moins que ce qui va sortir de ce psychodrame, si quelque chose en sort, ce sera vraisemblablement – et une fois de plus – un chameau avec une tête d’éléphant et une queue de cheval, selon la jolie formule que j’ai lue quelque part ce matin…

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La crise belge par les data http://owni.fr/2010/09/09/la-crise-belge-par-les-data/ http://owni.fr/2010/09/09/la-crise-belge-par-les-data/#comments Thu, 09 Sep 2010 18:05:35 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=27127 « Préparons-nous à la fin de la Belgique ! » C’est en substance ce qu’on déclaré les leaders francophones ces derniers jours, un refrain que les Flamands entonnent depuis déjà quelques décennies. Faut-il couper la Belgique parce que ces entités constituent des nations différentes, ou bien faut-il se préparer à construire de toutes pièces de nouvelles identités pour remplacer la belge ?

Laissons parler les données. Nous avons mis en place une application permettant de comparer les chiffres relatifs aux trois régions belges (Flandre, Wallonie et Bruxelles-capitale) sur certains thèmes.

Sur certains aspects, on constate de fortes disparités. L’impôt fédéral payé par habitant, par exemple, est 25% supérieur en Flandres par rapport à la Wallonie. Résultat, la solidarité nationale peut apparaître à sens unique, les Flamands payant 1,2 milliards d’euros transférés sous forme de ‘rééquilibrage’ aux francophones.

Et pourquoi les Wallons payent-ils moins d’impôts ? Parce qu’ils travaillent moins! Le taux d’activité (ceux au travail + ceux cherchant un emploi) est de près de 10 points supérieur en Flandre. On comprend mieux ainsi ce sur quoi repose le ressentiment des Flamands.

Pas la peine de stigmatiser les Flamands en les traitant de « populistes égoïstes » pour autant, comme on peut le lire dans les colonnes du Monde. Leurs revendications font échos à des problèmes réels, pour lesquels ils considèrent que les solutions proposées ne suffisent pas. On ne peut pas en dire autant de la frénésie anti-gitans qui sévit en France, où des politiques, soutenus par une bonne partie de la population, s’en prennent à un groupe pour des motifs totalement farfelus et dénués de réalité statistique (« ils ont des trop grosses voitures ! »)

Les Belges ne se marient pas non plus entre eux. Moins de 0,5% des mariages belges concernent des relations entre résidents flamands et wallons. (Cette statistique a été compilée en fonction des lieux de résidence, pas de naissance, si bien qu’un Flamand vivant en Wallonie puis s’y mariant à une Wallonne n’est pas comptabilisé). Cela reste environ 6 fois moins que le nombre de mariages conclus entre un Belge et un étranger ! Pour donner un élément de comparaison, cela correspond plutôt au taux de mariages entre Français et Britanniques (source INSEE).

In Potjevleesch we trust

Malgré ces écarts flagrants, les Belges restent soudés autour de valeurs… belges. Loin d’être anodins, les habitudes de consommation sont étrangement similaires. Si vous regardez l’onglet “consommation” de l’appli, vous verrez que les différences entre Flandre et Wallonie ne divergent jamais de plus de 10%.

Si l’on s’intéresse à la charcuterie, par exemple, on constate que l’on dépense sans compter des deux côtés de la frontière linguistique : 475€ en Flandre et 468€ en Wallonie par an et par ménage. Bruxelles, avec tous ses étrangers eurocrates qui ne comprennent rien au filet américain, au filet d’Anvers ou aux pâtés queue de charrue, ne dépense qu’un maigre 300€, tout comme les Français (357€ selon l’INSEE [XLS]).

Et Bruxelles ?

En plus d’être la plus importante des capitales de l’Union Européenne, Bruxelles est à la fois la capitale de la région flamande et la principale ville francophone. Véritable nœud gordien des relations entre communautés linguistiques, la ville semble être au cœur des revendications des uns et des supplications des autres.

L’application permet de choisir où vous souhaitez voir Bruxelles : indépendante, wallonne ou flamande. On constate qu’en dehors du tourisme, où Bruxelles et la Flandre concentrent la majeure partie des nuitées, et du nombre d’étrangers, faire varier l’appartenance de la ville vers l’une ou l’autre région n’influence que peu les équilibres.

On pourrait penser que cet état de fait tient à la relative pauvreté de la ville. Son centre, loin d’exulter de richesses comme à Trafalgar Square ou à la Concorde, fait plutôt penser à une ville post-socialiste ayant raté sa reconversion. Comparée à Anvers, principale ville de Flandre, Bruxelles n’attire pas l’oeil. Plus pauvre relativement au nombre d’habitants, c’est à se demander pourquoi son statut importe tant aux deux camps.

La raison tient au découpage anachronique des frontières administratives. Tout comme il est inconcevable de limiter Paris à ce qu’on trouve à l’intérieur du périphérique, la région Bruxelles-Capitale souffre d’atrophie sur ses 160 km² (à peine 50% de plus que Paris intra-muros). Prise dans son ensemble, la métropole bruxelloise retrouve l’étoffe d’une ville d’importance mondiale, produisant le quart de la richesse belge.

Le problème de la ville tient à son corset flamand : l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), situé en Flandre, accueille l’expansion territoriale de la capitale et concentre en particulier ses plus gros contribuables qui, à la manière d’une ville américaine, délaissent le centre. Bruxelles se trouve ainsi à cheval entre la Flandre et la région Bruxelles-Capitale, ce qui ne facilite pas la division du pays et explique pourquoi la scission de BHV monopolise depuis plus de 3 ans la vie politique du pays.

Notre dossier, qui accompagne cette application, est constitué de trois articles de blogueurs belges qui nous plongent dans l’actualité de leur pays. Qui n’en est plus un ?

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