OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Données de la drogue http://owni.fr/2012/07/10/donnees-de-la-drogue/ http://owni.fr/2012/07/10/donnees-de-la-drogue/#comments Tue, 10 Jul 2012 17:15:29 +0000 Claire Berthelemy et Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=115764 Owni a décidé de concocter une carte interactive avec les data exploitables en relation avec l'économie de la dope dans le monde. ]]>

Plan de pavot

Le 28 juin, les Nations Unies rendaient public leur rapport mondial sur la drogue [PDF/EN]. Des kilos de data dans le corps du texte et d’autres dans des tableurs PDF pas très lisibles. Owni a voulu constituer une base de données sur les drogues à partir du rapport 2012 de l’ONU mais aussi du précédent. À l’issue du recueil des données, nous avons pu construire un Top 10 des pays qui ont saisi le plus de drogues (en quantité) pour l’année 2010 (rapport 2012). Une carte interactive pour visualiser les frontières les moins perméables, à l’heure où même François Hollande est sollicité pour légaliser le cannabis.

Saisies

Les rapports des Nations Unies présentent un défaut : leurs données ont été récoltées par réponse à des questionnaires envoyé, sur la base du volontariat. Parfois les pays n’ont pas répondu, d’autres fois ils ont été très exhaustifs. Nous avons lu les trois derniers rapports dans leur intégralité et construit au fur et à mesure le tableau disponible ici. Si beaucoup d’infos circulent sur la consommation de drogues, rares sont les analyses se focalisant sur les saisies et sur les zones géographiques où est interceptée la drogue. Or, les données les plus complètes sont celles des saisies par pays. Nous les avons privilégiées pour bâtir cette carte interactive :




Dans le Top 10 des pays qui saisissent le plus de colis/comprimés/poudre, le trio de tête est formé par le Mexique en pôle position, suivis de près par les États-Unis et la Bolivie. À eux trois, ils représentent plus de 5000 tonnes de saisies de drogues pour l’année 2010. Amphétamines, herbe et méthamphétamines culminent pour le Mexique (avec, en 2009, la “saisie” de 191 laboratoires). Les États-Unis ont une saisie de prédilection en plus de celle identiques au Mexique : l’héroïne avec 3,5 tonnes récupérées en 2010. Et 1931 tonnes d’herbe. Suivent l’Iran avec un “petit” 429 tonnes (principalement de l’opium) et 384 tonnes pour l’Espagne (cannabis seul).

L’Afghanistan, absent du Top 10 des saisies – les données ne sont pas renseignées pour l’année 2010- mérite qu’on s’y attarde puisqu’il fait partie de la cohorte d’États avec l’Iran, le Pakistan et l’Ouzbékistan – entre autres – qui sont engagés officiellement dans la lutte contre le narcotrafic, avec les encouragements de l’ONU. Et avec sa position de leader sur le marché de l’opium (90% du marché mondial), le pays cumule entre 1518 et 3518 tonnes de saisies, toutes drogues confondues. Le porte parole de l’OTAN, Carsten Jacobson, expliquait en début d’année dans les colonnes du Monde diplomatique :

Le trafic de stupéfiants a été un facteur clé de financement pour les insurgés, mais cette source de revenus diminue [...] Les opérations anti-drogue perturbent avec succès les capacités des insurgés à transformer l’opium en héroïne. Nous continuerons à étrangler leurs revenus générés par la vente de drogues illicites en 2012

Drogues de synthèse, MDMA/ecstasy

En isolant les drogues une par une dans ce même classement des pays les plus “saisisseurs”, le cannabis est le plus intercepté dans ce même trio États-Unis, Mexique et Bolivie. De la même façon, les drogues de synthèse sont saisies majoritairement par les États-Unis et le Mexique, puis l’Iran dans une moindre mesure.

Drogues: le succès du modèle portugais

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Dépénalisée depuis 2000, la consommation de drogue est au Portugal largement encadrée au niveau sanitaire et médical. Un ...

La forte présence des États-Unis et du Mexique n’est pas une surprise. La découverte récente de tunnels aux frontières des deux pays – pour transporter le tout – peut expliquer les saisies nombreuses aux entrées et sorties de tunnels (230 mètres de long et 1,3 mètres de haut pour le dernier découvert).

Dans les data des rapports se trouvent aussi de petites perles, notamment en poids des saisies. On peut espérer vivement que les 12 kilos d’amphétamine saisis en Nouvelle-Zélande en 2010 aient été saisis en une seule fois. Même chose pour les 63 kilos d’ectasy au Royaume-Uni en 2009. Inutile de faire déplacer beaucoup de monde pour des petites prises.

Panda

Les barons de la drogue ne roulent pas en Fiat Panda, c’est bien connu. À l’inverse des producteurs, qui, eux, sont les plus lésés de la chaîne de trafic, et dont la production (feuilles de coca, pavot à opium etc.) ne leur rapporte qu’une part ridicule du gâteau final. Tout au long du trajet qu’effectue la drogue du pays producteur au pays consommateur, les intermédiaires, qu’ils soient grossistes ou détaillants, s’en mettent plein les poches. Exemple avec les opiacés en Afghanistan en 2009 : alors que le marché global était estimé à 68 milliards de dollars, seuls 440 millions sont revenus aux producteurs afghans, pourtant principaux fournisseurs de pavot à opium. Les trafiquants afghans ont empoché 2,2 milliards et les Talibans près de 155 millions. Si les drogues de synthèse et le cannabis sont majoritairement consommés dans leurs aires de production, la cocaïne produite en Amérique du Sud est principalement à destination de l’Amérique du nord (marché de 37 milliards de dollars) et de l’Europe (33 milliards de dollars).

En Europe, ces dix dernières années, le nombre d’usagers de cocaïne a doublé et est passé de 2 millions en 1998 à 4,1 millions en 2008.En 2009, la cocaïne a été consommée par une vingtaine de millions de personnes dans le monde (entre 14,2 et 20,5 millions) pour un marché global de 85 milliards de dollars. Des chiffres considérables pour une économie souterraine comparable en termes de valeur à celle des armes ou du pétrole. Sur ces 85 milliards, 84 ont été empochés par les trafiquants.

Il faut savoir que si les producteurs perçoivent une piètre rémunération au regard du butin final, le volume de leur production revendu à la sortie de l’exploitation n’est pas égal au volume déversé sur les marchés. Si un producteur vend 100 tonnes de feuilles de coca pour qu’elles soient transformées, c’est deux voire trois fois ce volume qui arrivera à destination. Tout au long de l’acheminement du pays producteur au pays consommateur, la drogue va perdre en pureté. En Afrique par exemple, qui tend à devenir un territoire de transit de plus en plus important pour les drogues mondiales, la cocaïne sud-américaine est coupée et divers adultérants (produits de coupe ou diluants) y sont ajoutés afin d’obtenir plus de poudre à moindre coût. Ce stratagème se répète jusqu’à ce que la cargaison arrive à destination. Ce qui explique en partie la différence de valeur entre la matière première et la matière finie.

Récolte de feuilles de coca en Bolivie

Mais si la culture de la coca est en partie autorisée en Bolivie sous la loi 1008, aux Etats-Unis, on lutte à coups de billets verts. Alors que le marché de la cocaïne et de l’héroïne est estimé à 45 milliards de dollars aux Etats-unis, le gouvernement projette d’injecter 26 milliards de dollars en 2013 dans un vaste projet de lutte anti-drogues. Le gouvernement états-unien participe aussi activement, et depuis longtemps, à la lutte anti-drogues dans des pays d’Amérique du sud, comme la Colombie à laquelle ils vont remettre une enveloppe de 155 millions en 2013. Une lutte en amont pour une cocaïne colombienne qui compte pour 90 % de la cocaïne disponible aux Etats-Unis.

Loin devant ces chiffres impressionnants, le marché du cannabis est le plus important au monde. De 125 à 203 millions personnes ont consommé du cannabis au moins une fois en 2010. Mais là où il se différencie des autres drogues c’est que le cannabis n’est pas seulement consommé dans la plupart des pays, il y est aussi cultivé. Et si la culture est avant tout locale, l’Afghanistan est aujourd’hui sur les talons du Maroc pour la production de résine de cannabis. Le cannabis y est d’ailleurs devenu plus lucratif que la culture du pavot à opium. Ainsi, en 2010, le revenu brut d’un foyer producteur de cannabis était de 9 000 dollars alors qu’il n’était “que” de 4 900 dollars pour le pavot à opium.

Méthodo

Le bilan après compilation des données dans un tableau vient surtout de la méthodologie utilisée pour collecter les données par les Nations unies. Sous forme de questionnaires, les États ont été invités à répondre aux questions. Libres à eux de le faire. Ou pas.

Plants de cannabis

Mais les Nations unies se défendent :

Le marché des drogues illicites a des dimensions mondiales et requiert de coordonner les réponses sur une même échelle. Dans ce contexte, le rapport mondial sur les drogues a pour but de tenter de comprendre le problème des drogues illicites et contribuer à plus de coopération internationale pour le combattre / lutter contre.

Data Publica a publié hier les résultats d’une étude réalisée en France sur la consommation de drogues des jeunes de 17 ans par région . L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), en partenariat avec la Direction du Service National a sondé un échantillon de jeunes participant à la journée Défense et citoyenneté, anciennement journel d’appel et de préparation à la défense (JAPD). Un peu plus de 27 000 jeunes ont répondu sur leur façon de consommer la/les drogue(s). À toutes les échelles, le marché de la drogue et l’impact sur les populations posent question. Une occasion d’ouvrir les données concernant la drogue, sa culture et sa consommation.


Merci à Paule D’atha (Julien Goetz, Marie Coussin et Nicolas Patte), Camille Gicquel et Thomas Deszpot
Photographies sous licences Creative Commons par Fraidbouaine, Alexodus, Joaokedal et Grumpy-Puddin, édition par Ophelia Noor pour Owni

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http://owni.fr/2012/07/10/donnees-de-la-drogue/feed/ 8
Les belles erreurs statistiques http://owni.fr/2010/10/24/manifs-cannabis-foot-et-autres-mauvais-usages-des-statistiques/ http://owni.fr/2010/10/24/manifs-cannabis-foot-et-autres-mauvais-usages-des-statistiques/#comments Sun, 24 Oct 2010 17:31:45 +0000 Alexandre Delaigue (Econoclaste) http://owni.fr/?p=33447 Je n’aurai pas dû lire Proofiness. Cet excellent livre, sur la façon dont les chiffres sont torturés, manipulés, par journalistes, politiques, militants, magistrats, a un gros défaut : il n’est plus possible ensuite de lire le journal sans sauter au plafond d’énervement. Trois exemples du samedi 23 octobre.

Les français souhaitent-ils la fin des grèves?

Commençons par un sondage, présenté dans un article titré les français souhaitent la fin des grèves. Un magnifique concentré, que ce soit l’article, ou le sondage.

Pour le sondage, d’abord, ça ne rigole pas. On nous colle partout des sigles “ISO”, sans doute pour bien nous persuader que nous sommes face à de la science rigoureuse. La méthodologie, indiquée page 3, est comique de précision : ce sont mille et une personnes qui ont été interrogées. Vous vous demandez sans doute “pourquoi ce nombre”. Il y a deux réponses. Premièrement, sur un sondage effectué aléatoirement, le nombre de personnes interrogées détermine la marge d’erreur. Or la marge d’erreur est indiquée plus loin sur la page, ce qui nous indique que ce nombre de personnes interrogées est redondant.

Mais il ne l’est pas. Tenez, un petit test. Laquelle de ces deux phrases vous semble la plus convaincante : “les français sont majoritairement hostiles au bouclier fiscal” et “65% des français sont hostiles au bouclier fiscal”. Si vous êtes comme tout le monde, la seconde phrase vous paraît bien plus convaincante. Pourtant les deux disent la même chose. Mais la présence d’un nombre dans la seconde donne l’impression qu’il y a eu mesure, et que cela rend la phrase plus “scientifique”. Pourtant, nulle part n’est indiqué comment ce chiffre a été déterminé (je viens de l’inventer, en fait). Ce phénomène par lequel la simple présence de nombres persuade est renforcé par la précision apparente du nombre. Par exemple, si j’écris à la place de la phrase “64.93% des français sont contre le bouclier fiscal” cela semble plus convaincant que 65%, qui semble arrondi. Pourtant, ce nombre n’est pas moins inventé que le précédent.

Dans un sondage, le nombre de personnes interrogées ne sert qu’à une chose : déterminer la marge d’erreur. Celle-ci est à peine modifiée par le fait d’interroger 1000 ou 1001 personnes. la précision exacte du nombre de personnes interrogées, ici, sert donc beaucoup plus à établir la conviction de scientificité qu’à informer réellement.

- Parlons-en, d’ailleurs, de la marge d’erreur. Elle correspond, dans un sondage, au premier type d’erreur, l’erreur statistique. Celle-ci provient du phénomène suivant. Supposez une urne remplie de 10000 boules, 6000 rouges et 4000 jaunes. Vous prélevez un échantillon aléatoire de 10 boules dans cette urne. Votre échantillon peut reproduire la répartition de la population (6 boules rouges et 4 jaunes). Mais il y a de fortes chances de tomber sur un échantillon différent de la population (par exemple, 7 rouges et 3 jaunes, ou même 10 rouges et zéro jaunes). Par contre, plus votre échantillon est grand, plus le risque d’obtenir un échantillon très différent de la population diminue. Cela vous donne donc de fortes chances, lorsque vous prélevez un échantillon suffisamment grand, d’obtenir un échantillon proche de la population. Cette proximité est la marge d’erreur, vous en avez quelques exemples en suivant ce lien (en anglais, NdCE).

Mais la marge d’erreur ne correspond qu’à l’erreur statistique. Elle ne prend pas en compte l’autre erreur, la plus courante : l’erreur structurelle. L’erreur structurelle vient de ce qu’en pratique, les sondages ne correspondent jamais au cas théorique de boules de couleur prélevées dans une urne, comme dans les exercices de mathématiques. En pratique, les sondages sont effectués par des personnes réelles, qui peuvent se tromper en collectant leurs données; surtout, particulièrement dans les sondages réalisés auprès de personnes réelles, il y a des biais de collecte d’information. Il est par exemple impossible de sonder une personne qui refuse de répondre aux sondages. Lorsque vous lisez “x% des français pensent que” il faut lire “x% des français qui répondent aux sondages pensent que”. Les gens peuvent mentir. Les gens peuvent vouloir être “bien vu” de la personne qui les sonde (et quand on est interrogé par une jeune voix féminine, on est tenté de lui faire plaisir). Les réponses peuvent être orientées par la façon dont les questions sont posées, voire même par l’ordre dans lequel elles sont posées : si par exemple on vous demande d’indiquer vos opinions politiques avant de vous poser des questions de société, vous aurez beaucoup plus tendance à vous conformer aux opinions-type de votre camp.

Les sondeurs déclarent toujours l’erreur statistique, sous forme de marge d’erreur. Mais ils ont une fâcheuse tendance à laisser croire que la marge d’erreur mesure tous les risques d’erreur, y compris l’erreur structurelle. Ce n’est pas le cas. Pour une raison simple : si l’erreur statistique est connue et limitée, l’erreur structurelle peut potentiellement rendre le sondage totalement faux. Avec trop d’erreur structurelle, la “marge d’erreur” peut devenir 100%.

Dans cet exemple (voir toujours page 3), il y a un biais énorme : le mode d’interrogation, en ligne. Là encore, la “scientificité” est assise sur la dénomination du système d’interrogation, désignée par un sigle en anglais. Ca fait tout de suite plus sérieux. Mais cela a une implication claire : les personnes qui ont servi à ce sondage correspondent à un sous-groupe particulier de la population, les gens qui ont un ordinateur et un accès internet, et qui acceptent de répondre à un sondage en ligne. Il y a très peu de chances qu’ils représentent la population française. L’application là-dessus de la “méthode des quotas”, au passage, loin d’améliorer le résultat, ne fait qu’introduire de nouveaux biais.

A partir de ce monument de scientificité, la façon dont l’article est présentée peut elle aussi totalement en modifier la perception. En s’appuyant sur la page 5 du document, on aurait très bien pu titrer “61% des français approuvent le mouvement contre la réforme des retraites”. Etrangement, ce sont les questions page 8 et 10 qui servent pour faire le titre : “les français souhaitent la fin des grèves”. Parce que, comme on peut toujours s’y attendre avec un sondage, poser la même question avec des formulations et des informations différentes modifie le résultat obtenu. Un esprit raisonnable, face à ces contradictions, en conclurait que ce sondage ne nous apprend rien d’intéressant. C’est oublier les talents d’exégèse que l’on peut déployer pour donner du sens à une série de nombres qui n’en a aucun.

L’article nous indique donc que “l’opinion a un point de vue complexe et nuancé”. qu’en termes galants… C’est que le sondage ne donne pas les mêmes résultats selon qu’on demande aux gens s’ils “comprennent” ou “soutiennent” les manifestations. On aurait pu essayer d’autres verbes : “approuvez-vous”? “Appréciez-vous”? “vous intéressez-vous”? et à chaque fois, on aurait eu un nombre différent. Du commentaire sur du bruit.

Schizophrénie et cannabis: corrélation n’est pas causalité

Deuxième article : “Panini retire du marché le jeu polémique des Skyzos”. On y apprend que suite à des plaintes d’associations, Panini retire un jeu de la vente. Mais comme il est dans la rubrique “santé”, l’article se doit de nous apprendre autre chose que cette anecdote sans grand intérêt. Le dernier paragraphe nous instruit donc sur la schizophrénie de la façon suivante :

Si l’hérédité est une composante importante dans son apparition, d’autres facteurs environnementaux, comme l’isolement social ou la consommation de cannabis, peuvent également peser.

Voici un second exemple de chiffres torturés : la corrélation prise pour une causalité. Il existe en effet de nombreuses études médicales montrant l’existence d’une corrélation entre différentes variables, ici, l’apparition de la schizophrénie et l’isolement social ou la consommation de cannabis. Voici ce que ces études montrent : les schizophrènes ont plus tendance que le reste de la population à consommer du cannabis ou à être isolés socialement. Et c’est tout. Vous voyez que la causalité peut être interprétée dans tous les sens. Il est fort probable, par exemple, qu’une personne commençant à manifester des signes de schizophrénie va avoir tendance à s’isoler socialement. On pourrait supposer également que face à l’angoisse que causent les premiers symptomes de cette maladie, les gens soient incités à consommer du cannabis pour les calmer. Dès lors, c’est la schizophrénie qui cause isolement et toxicomanie. Ou alors, comme indiqué dans l’article, la causalité va dans l’autre sens. Comment savoir?

En pratique, il y a des moyens pour essayer de mieux distinguer le sens de la causalité. Mais ils sont difficiles à mettre en oeuvre, et eux-mêmes sujets à des erreurs. Surtout, ils ne sont que très rarement utilisés pour les études médicales. C’est ce qui fait qu’une quantité invraisemblable d’études médicales est fausse. Mais l’article n’est pas là pour instiller le doute, mais pour instiller discrètement une morale : le cannabis, ça rend fou.

Lorient et Nancy: gazon maudit?

Enfin, à tout seigneur tout honneur, l’Equipe nous gratifie d’un monument hilarant au dénombrement bidon, dans cette fine analyse consacrée aux équipes de foot de Lorient et Nancy. Les deux équipes, cette année, sont en effet passées au gazon synthétique. Et malheur : les résultats ne suivent pas. A l’appui de cette démonstration, un schéma avec plein de jolies couleurs mais parfaitement illisible, d’où il semble ressortir que les deux équipes ont cette année de bien mauvaises performances, en particulier à domicile. Pourtant, une connaissance même minimale du football indique qu’il y a des tas de facteurs qui font qu’une équipe, d’une année sur l’autre, voit ses résultats se dégrader après 9 journées : changements de joueurs, chance, adversaires rencontrés, progrès relatif des autres équipes, etc. cette même connaissance minimale indique qu’il peut y avoir des tas de raisons d’adopter un terrain synthétique, autres que la volonté d’obtenir de meilleurs résultats : coût, climat local (il gèle souvent à Nancy, il pleut souvent à Lorient). Enfin, je me demande même pourquoi j’explique à quel point nous sommes là dans le grand n’importe quoi.

A bientôt, dans le monde merveilleux des copies laborieuses à partir de chiffres inutiles.

Article publié à l’origine sous le titre Un jour ordinaire dans le monde merveilleux des faux nombres sur le blog Econoclaste. Comme souvent, les commentaires valent le détour.

Illustration FlickR CC Obscurate Associate ; Thomas Duchnicki ; artnoose.

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